Un polar de plus avec un petit plus : celui d’aiguiser la curiosité. A suivre
Soyons francs : lorsque l’on voit débouler en couverture ce nouvel héros, Sam Bracken, sur fond de pyrotechnie triple XL, on ne se pose même pas la question de savoir si ce polar-là sera pire ou mieux qu’un autre, la seule question en suspens restant : dans quelle catégorie le gars Bracken boxera-t-il ? Milliardaire castagneur genre Largo Winch ? Détective classieux genre Koda ? Bref on ne s’attend pas le moins du monde à être surpris par une couverture et une introduction pompières, décalques pleines pages des pires heures eighties du blockbuster ricain, qui nous balancent de page en page les aventues de Bracken l’avocat-blouson-de-cuir, qui au volant de son 4x4 urbain, patine dans une énième intrigue de série télé.
Par respect pour le travail de Jarbinet — qui a pris beaucoup de soin à dessiner les voitures, les bateaux et les hélicoptères — on s’accroche toutefois, subissant la mise en place pataude de personnages stéréotypés jusqu’à ce que, ô miracle, l’intrigue se dégage de ses influences écrasantes pour voler de ses propres ailes. Le scénario de Jarbinet, du coup, prend soudain de la hauteur, et le lecteur, rassuré, perçoit alors mieux, par delà une énième histoire de trafic international de drogue, la complexité des psychologies mises en oeuvres. Oui, Bracken l’avocat anti-conformiste est insupportable et caricatural. Oui, ses comparses forment un panthéon de têtes à claques dévouées. Mais à la lumière de certaines casseroles peut-être trop tardivement révélées, on se découvre intrigué par des personnages lissés par une jeunesse pas évidente, bien campés dans leur confort bobo, mais que la vie va se charger de ramener en pleine panade.
On ne donnait pas cher de sa peau, Bracken, mais Jarbinet a su trouver son ton. Celui d’un polar référencé mais différent. A suivre.
damien perez
Jarbinet, Sam Bracken — tome 1 : “La frontière du silence”, Glénat, 2003, 48 p. — 10,99 €. |
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