De très nombreuses ressemblances avec la réalité…
Nathalie Séchard, la huitième présidente de la Ve république, fait l’amour dans une chambre du Pavillon de la Lanterne. Elle aime le faire et écouter Haydn, ce musicien du bonheur. C’est là qu’elle décide de ne pas se représenter pour un second mandat. Les événements ne l’ont pas favorisée. Après les Gilets Jaunes infiltrés par le Bloc Patriotique, ce parti d’extrême-droite, c’est la pandémie et le variant Gamma qui l’ont amenée à décréter un confinement strict, la vaccination obligatoire et l’état d’urgence renforcé.
Lorsqu’elle l’annonce sur les chaînes de télévision, ce dimanche soir à 20 heures 05, la course à la présidence est déjà lancée. Patrick Beauséant, son ministre de l’Intérieur en rêve depuis si longtemps. Il actionne ses réseaux, met en place les pions pour éliminer des adversaires, ne reculant devant rien pour arriver à ses fins. Il dispose de collaborateurs dévoués depuis des décennies.
Face à lui, Guillaume Manerville, le ministre de l’Écologie qu’il veut circonscrire en enlevant sa fille. Or, celle-ci est très proche d’un jeune homme que son père a recommandé comme nègre à Beauséant qui veut écrire ses mémoires. Celui-ci va devenir l’amant d’une belle-fille du ministre et découvrir des notes si compromettantes qu’il faut se débarrasser de lui.
Il va alors se débattre dans de multiples problèmes car la canicule perdure, réactivant et entraînant des mouvements violents de protestations jusqu’à…
Autour de Nathalie Séchard, dont il raconte la vie personnelle, le parcours professionnel et politique, les circonstances qui l’ont amenée à se présenter, à être élue, l’auteur détaille les routes des principaux protagonistes. Il décrit les liens qu’ils ont pu établir, tisser dès leur plus jeune âge et dans quelles circonstances.
Bien sûr, il utilise le “matériel” politique à sa disposition en transformant, travestissant des situations, des événements, des faits réels qu’il adapte de belle manière pour coller à son intrigue. Ainsi, la Présidente a vingt-six ans d’écart avec le jeune homme qu’elle a épousé.
Entre Beauséant, ce ministre droitier et Manerville, ce ministre écolo, on ne peut s’empêcher de chercher des points communs avec des individus réels.
Leroy intervient de façon ponctuelle dans son récit, se nommant le narrateur, ouvrant des apartés souvent cocasses dans le contexte.
Le romancier propose un récit dense, construit minutieusement, érudit, citant nombre de références littéraires, des comparaisons peu communes, amenant, par exemple, à évoquer Gatian de Clérambault ou Inès de Castro et Don Pedro quant à leurs tombeaux.
Il multiplie les images donnant de bien beaux rapprochements, qu’ils concernent le personnel politique, militaire, policier ou des services secrets. Il fait état de la disparition des fonds secrets pour financer des opérations occultes remplacés… par des fonds spéciaux.
Leroy décrit cet univers de l’ombre, ces soldats missionnés pour des opérations tordues. Il mène un travail remarquable sur l’enchaînement des faits, sur la rouerie de ce monde où les ambitions se déchaînent et priment sur tout, surtout le pire. Il ne fait pas dans la langue de bois en évoquant l’amour physique tout en conservant un art subtil de la description et en donnant des visions truculentes des journalistes, de la pauvreté quant à l’information qu’ils distillent notamment quand ils ne savent rien.
Avec ce nouveau roman, Jérôme Leroy cogne fort, décrivant avec un réalisme confondant les rouages de l’implacable machine du pouvoir. Un thriller à lire absolument !
serge perraud
Jérôme Leroy, Les derniers jours des fauves, Folio Policier n° 985, avril 2023, 432 p. — 9,20 €.