Ettore Molinario, DIALOGUES Collezione Ettore Molinario — #27

Horvat et le désir

Pour son nou­veau “dia­logue”, Ettore moli­na­rio ras­semble pour la pre­mière fois deux pho­to­gra­phies d’un même créa­teur : Frank Hor­vat qui plus qu’un autre a su faire par­ler l’imagination et le désir et mon­trer com­ment les hommes ima­ginent le désir des femmes.

Il les contemple pour en faire le sujet dans le repor­tage, la mode et sa recherche. Il a aussi per­mis aux femmes de le pho­to­gra­phier. Non for­cé­ment pour une ques­tion d’égalité ou de fémi­nisme mais dans un jeu sub­til de séduc­tion voire d’auto-analyse à une époque où la caméra était encore aux mains des mâles presque uniquement.

Après un voyage en Inde et au Pakis­tan et avoir vécu à Londres, Frank Hor­vat arrive à Paris en 1956. L’agence Black Star lui demande de faire un repor­tage sur la nuit, la nuit chaude de Pigalle. Sachant sou­doyer le gar­dien du caba­ret du Sphynx il y pénètre et ren­contre Yvette, une strip-teaseuse de vingt ans, belle comme une des Trois Grâces de Canova. Et ses che­veux rap­pellent Mari­lyn Mon­roe dans le film Bus Stop, tourné la même année. Cette photo resta essen­tielle pour Molinario.

La fille du pho­to­graphe lui mon­tra plu­sieurs planches de contact où Hor­vat se dépeint dans le miroir du ves­tiaire avec Yvette. Il lui ten­dit sa caméra et à celle qui devint son flirt il laissa le soin de le repré­sen­ter. Ce fut l’occasion rare pour une femme d’explorer le pou­voir mas­cu­lin et d’utiliser l’instrument qui rend le regard pho­to­gra­phique pré­da­teur.
Et ici com­mença sa “col­lec­tion” parce que la pho­to­gra­phie lui per­mit “de regar­der et de voir, de me regar­der et d’être regardé pour l’homme que je suis”. Il com­prit qu’Yvette don­nait à voir un autre Hor­vat. D’où ce voyage à l’intérieur de son œuvre dont la muse devint l’image qui ras­semble Iris Bian­chi, à la mode fran­çaise pour Harper’s Bazaar et les strip-teaseuses du Crazy Horse.

Personne avant Frank Hor­vat n’était allé aussi loin dans le jeu de la pro­vo­ca­tion. Même Hel­mut New­ton n’avait pas encore dit que le nu est en fait une robe, que la mode s’habille et se désha­bille, et que le public de ce spec­tacle, strip-tease ou défilé, n’en est qu’un. Celui du désir mas­cu­lin.
Hor­vat avait ima­giné que ce sont pré­ci­sé­ment les femmes qui disaient cette petite vérité, ne contem­plant plus le pho­to­graphe ou son reflet dans le miroir, mais le regar­dant dans un jeu d’allusions et de cor­res­pon­dances. Cette ren­contre était un rêve, “le plus sublime de tous. Je ne sais pas com­ment prendre des pho­tos, mais les grands pho­to­graphes prennent des pho­tos pour moi aussi.” conclut Molinario.

jean-paul gavard-perret

Ettore Moli­na­rio, DIALOGUES Col­le­zione Ettore Moli­na­rio — #27, juillet 2023.

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