Cet univers uchronique se déroule dans un État du sud des États-Unis. Les robots humanoïdes cohabitent avec les humains. Ils travaillent dans les plantations, aux champs ou dans les riches demeures comme personnel de maison. Halfa s’inquiète du pouvoir des mots quand ceux-ci désignent des personnes mécaniques en opposition aux personnes organiques.
La petite Eva voit ses parents assassinés par deux robots. L’un d’eux, cependant, regrette que la femme ait été tuée. Eva, cachée, échappe aux meurtriers. Sur sa route elle trouve un chiot et le calme en lui affirmant qu’ils vont s’en sortir.
Quelques années plus tard, un couple vivant dans une belle demeure part précipitamment après que l’homme ait lu son courrier. C’est Eva qui a glissé un message très inquiétant. Elle prend possession de la maison. C’est ainsi qu’elle fonctionne, récupérant au passage quelques babioles qu’elle revend chez un brocanteur.
Halfa, ce riche planteur, craint le remplacement des humains par les robots. Pour lui, ils doivent obéir et ne pas réfléchir. Or, des robots se réunissent le soir pour écouter l’un d’eux leur lire des pages d’un livre. Ce sont les exemplaires de ce livre qu’Halfa fait traquer, ainsi que leur auteur. Mais, quand Eva, dans un de ses squats, tombe sur un exemplaire, elle est séduite.
Or, ceux qui sont en possession d’un tel ouvrage sont exécutés par les tueurs…
Surfant sur la robotisation qui avance à grands pas, sur l’émergence de ces Intelligences Artificielles dont les capacités encore balbutiantes laissent supposer la prise d’un véritable pouvoir, les scénaristes développent un monde qui s’appuie sur des thématiques très actuelles. Mais, ils donnent aux machines une certaine humanité, la possibilité de faire ressentir des émotions, non avec un visage réduit à sa plus simple expression, mais avec une gestuelle très parlante.
Le scénario fait une belle et grande place au livre en tant que support d’idées, en tant qu’objet et à ceux qui les écrivent. Les auteurs font passer ainsi des messages judicieux sur la lecture, ses apports, sur l’inspiration qui est à l’origine de l’écriture. Donner cette possibilité à des IA ouvre des perspectives soient attrayantes, soient effrayantes.
Le dessin est assuré par José Luis Munuera, ce formidable créateur graphique, qui donne vie à ces robots, leur faisant exprimer des sentiments par une gestuelle appropriée. Il conçoit tout un peuple de robots réussissant à leur donner une identité. Sa mise en page tonique restitue toute la tension de l’histoire.
Sedyas réalise la mise en couleurs, utilisant une gamme de teintes qui étaient celles en usage à l’époque et fait chanter les différentes ambiances du récit.
Ce second tome confirme tout l’intérêt de cette série, même si l’usage de moyens sophistiqués est plus restreint mais correspond parfaitement au thème développé. Une belle histoire en tension, un graphisme remarquable concourent à faire de cet album une superbe réussite.
serge perraud
BeKa — Caroline Roque et Bertrand Escaich (scénario), José Luis Munuera (scénario et dessin), Sedyas (couleurs), Les Cœurs de ferraille — t.02 : L’Inspiration, Dupuis, coll. “Tous Publics”, juin 2023, 72 p. — 14,50 €.