En ce mois de janvier 1910, alors que Paris est sous les eaux, dans un lit, un homme veut savoir quand rentre le mari de sa partenaire. Elle le rassure lui disant qu’il a le temps de finir son interview. Ange et Emma sont amants. Ange est journaliste au Quotidien dont le patron est l’époux d’Emma.
En sortant, il tombe à l’eau. Il est récupéré par des pompiers en barque. En discutant, ils font la remarque que des vieux cadavres remontent avec l’eau. Sa curiosité éveillée, il les suit. Sur place, son chien appelé Clemenceau renifle en grondant une valise qui contient un torse de femme aux seins coupés. L’identification semble impossible. Le légiste remarque sur la main droite, qui reste, de nombreuses piqûres comme les mains des femmes qui travaillent dans des ateliers de confection.
De retour au journal, il est convoqué par le patron qui lui reproche son ivrognerie et le licencie. Ange commence la tournée des ateliers. Un ami connaît Marie-François Goron, ex-chef de la Sureté. Il a monté sa propre agence de détective. Celui-ci l’engage pour résoudre ce meurtre. Et, à un moment Ange flaire une piste qui va le mener…
Les scénaristes retiennent comme décor, pour le début de leur intrigue, les jours de janvier 1910 où de nombreux quartiers de Paris ont été durablement inondés. La recherche d’indices est difficile avec les déplacements limités. Pourtant, la jeune femme tuée depuis une semaine était bien soignée, alimentée et… enceinte de deux mois.
C’est l’occasion de mettre en scène quelques personnages qui ont fait l’actualité de cette époque et de faire découvrir nombre de situations assez courantes. C’est la célébrité pour de belles jeunes femmes. Elles vivent luxueusement, entretenues par des banquiers, des industriels et autres magnats et imposent la mode dans la Capitale. Les comédiennes doivent trouver un époux fortuné comme c’est le cas d’Emma.
Le récit est abondamment documenté. Un cahier de huit pages complète l’album avec nombre de précisions sur les protagonistes historiques rencontrés dans les pages de l’album ainsi qu’une belle iconographie.
Victor Lepointe assure dessins et couleurs. Il donne un magnifique travail réaliste tant pour les personnages que pour les décors qu’il restitue au plus juste. Il offre des vues des rues de Paris à cette époque, sous la catastrophe, et des portraits élégants. Son trait fin, gracieux, d’une grande délicatesse concourt à renforcer la beauté des planches. Bien que réalisée avec des outils numériques, sa mise en couleurs présente les aspects de l’aquarelle.
Ange Leca a tout pour séduire entre une intrigue qui se découvre avec intérêt et un graphisme agréable à l’œil.
serge perraud
Tom Graffin & Jérôme Ropert (scénario), Victor Lepointe (dessins et couleurs), Ange Leca, Bamboo, label “Grand Angle”, mars 2023, 72 p. — 15,90 €.