La mort rôde dans les rues de la capitale de la chrétienté
Chiara Montani propose une nouvelle aventure pour les deux héros de son précédent roman Le Mystère de la fresque maudite (fleuve noir — 2022). Après Florence, Piero Della Francesca, authentique peintre du Quattrocento, et Lavinia, la nièce de Domeneco Veneziano, sont à Rome, au cœur de la glorieuse capitale de la chrétienté.
En Avril 1459, alors que Piero se trouve chez ses amis Antonio et Lucrezia della Valle, en compagnie de l’organisateur du futur chantier de restauration du palais, il voit un éclair et les volets se fermer. La pièce est la proie des flammes. Piero est un des rares rescapés de l’intense incendie.
Le temps de lancer un chantier au Vatican, il avait placé Lavinia chez son frère Marco à Borgo San Sepolcro. Mais cela fait plusieurs mois qu’il est parti, laissant la jeune femme sans nouvelles. La nuit, celle-ci se faufile dans l’atelier de son amant pour se livrer à la peinture, sa passion. C’est là qu’elle est surprise par Aram, au service de Piero depuis dix ans. Ils devaient se rejoindre à Borgo. Il craint qu’il ne soit arrivé quelque chose à son maître. Il n’en faut pas plus à Lavinia pour partir pour Rome, contre l’avis d’Aram.
À Rome, elle retrouve un Piero préoccupé, peu heureux de la voir. Il finit par accepter sa présence. La mort de Lucrezia, à qui il était très lié, l’amène à rechercher l’auteur de cet incendie. Sur les lieux, il comprend que la personne visée était l’organisateur du chantier. Il retrouve un morceau de la canne-épée qu’il portait.
Avec Lavinia, il s’introduit à son domicile et trouve, dans son écritoire, un message sibyllin annonçant une arrivée. Sur le port, il apprend qu’un feu similaire a causé la mort d’un Grec. Sa veuve raconte que ce dernier travaillait à la traduction d’un vieux codex grec. Leurs recherches les amènent à se confronter à de mystérieux individus qui ne reculent devant rien, même pas le crime…
Si Piero est une figure importante du roman, la véritable héroïne en est Lavinia qui, sous des dehors très plaisants, possède une volonté de fer pour défendre sa liberté et assouvir sa passion pour la peinture, activité interdite aux femmes de l’époque.
Alors que Piero est un authentique peintre et mathématicien, Lavinia est sortie de l’imagination féconde de la romancière. Mais, elle aurait pu être réelle si un patriarcat exacerbé par une religion tyrannique n’avait pas été aussi despotique sur la moitié de l’humanité.
L’intrigue, fort bien relevée, mêle ésotérisme, art et religion avec des retournements de situations fréquents amenés avec habilité, cohérence, se révélant surprenants jusqu’à un dénouement bien inattendu.
Chiara Montani développe nombre de sujets en s’appuyant sur une documentation solide. Elle restitue le quotidien de cette époque et le contexte politique qui met en scène pléthore d’individus historiques avides de richesses, de conquêtes, de gloire. Rien n’a changé sur la croûte terrestre, sauf plus de gaz à effet de serre.
La Rome que fréquente Lavinia est peu engageante, loin de la splendeur qu’on pourrait imaginer. La saleté est omniprésente comme les ruines. La comparaison avec Florence est sans appel. Mais la romancière excelle à décrire l’art pictural, ce que celui-ci engage, les différentes manières de l’aborder, les différentes matières utilisées et les techniques mises en œuvre. Parallèlement, elle décrit le fonctionnement quotidien de diverses couches sociales.
Avec ce second volet des enquêtes mouvementées de ses deux héros, Chiara Montani donne un récit superbe, riche en découvertes et en tension.
serge perraud
Chiara Montani, L’Artiste et le Manuscrit interdit (La Ritrattista), traduit de l’italien par Joseph Antoine, Fleuve noir, coll. “Thrillers”, avril 2023, 400 p. — 22,90 €.