Nathan Bridge, un peintre coté, est en proie à de bien étranges cauchemars. Ont-ils un rapport avec les meurtres dont il est accusé ?
Toi, mon frère…
Nathan Bridge est un peintre coté dont les toiles torturées suscitent autant d’engouement que de répulsion. Il est depuis quelque temps hanté par des rêves étranges tandis que la mort de celle qu’il croyait être sa mère le confronte au mystère de ses origines. Alors qu’il enquête sur son passé il se retrouve accusé de plusieurs meurtres dont celui de son ex-femme. Rêves angoissants et meurtres en série, passé mystérieux d’où émerge un frère jumeau dont le héros ne savait rien jusqu’alors… autant d’éléments orchestrant une intrigue des plus classiques ressortissant à la fois du thriller et du mélodrame familial, avec la juste nuance de fantastique apportée par le rôle dévolu aux songes et les références à la mystique amérindienne.
Berthet a su offrir à son histoire une mise en récit brillante, tout entière basée sur le principe du flash back et sur le croisement de plusieurs fils narratifs. Dûment encadrée puis scandée par des séquences issues de l’entretien qu’a Nathan, une fois arrêté, avec un psychiatre, la narration mêle avec adresse l’amont de l’enquête criminelle et la remontée aux sources de ses tourments que Nathan effectue sous la houlette du médecin. Structure narrative complexe mais assez courante que l’auteur a rehaussée en insufflant à son récit un rythme qui bouscule sans cesse la lecture. Impossible en effet de s’installer dans le train-train quiet de planches sagement construites : elles sont toutes différentes. Certes les cases sont régulières dans leur forme — rectangulaires ou carrées — comme dans leur agencement — pas de fantaisies spiralées ni d’élans hors planche -, mais l’auteur ne cesse de jouer sur les innombrables manières de combiner ces rectangles et ces carrés, sur leur nombre, sur les incises qu’il dispose à l’intérieur des cases panoramiques… Il a ainsi conféré à chaque planche une composition, une rythmique uniques tout en donnant à son album une apparente régularité.
Cette complexité subtile, qui refuse les acrobaties graphiques, apporte un agréable contrepoids au classicisme du dessin, plutôt anguleux, dont le réalisme stylisé par des contours très marqués, des couleurs ne s’embarrassant guère de nuances et par des ombrages réduits à des à-plats noirs signe son appartenance au graphisme d’obédience « ligne claire ».
Publié pour la première fois voici dix ans, cet album n’a pas eu de suite. Certains éléments narratifs paraissent pourtant vouloir tirer le récit hors de la boucle tracée entre la première et la dernière planche. En l’état — et bien que possédant une solide cohérence interne -, Halona ressemble un peu à une de ces « affaires non classées » que l’on abandonne alors que toutes les données du dossier invitent à poursuivre l’enquête. Cet album a néanmoins tout ce qu’il faut pour attirer de nombreux lecteurs, même si ceux-là doivent se préparer à rester sur leur faim.
isabelle roche
Berthet, Halona, Dupuis « Horizons », 2003, 64 p.- 6,00 €. |
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