Mathieu Reynès & Valérie Vernay, Un loup pour l’homme

Le mal vient-il de la bête ou de l’homme ?

Repre­nant pour titre une par­tie d’une cita­tion célèbre de Tho­mas Hobbes, lui-même ins­piré par le dra­ma­turge Plaute qui avait écrit Homo homini lupus est, Mathieu Rey­nès ins­truit une his­toire qui se rap­proche du conte phi­lo­so­phique et de la fable fantastique.

Au retour d’une par­tie de chasse, le maître du domaine, Léo­pold Baron, ordonne à Maria de pré­pa­rer un repas. Excité par la chasse, la bonne chère et l’alcool, Baron veut vio­ler la ser­vante qui se défend, le mord à la main avant d’être assom­mée.
On la retrouve pen­due, aban­don­nant sa petite Maya de sept ans. Baron ordonne de se débar­ras­ser du corps et de la fillette si celle-ci n’est pas utile.

Huit ans après, Eugène, le fils de baron, en com­pa­gnie de sa sœur Loui­son et de Mar­kus, un enfant recueilli, veut tuer Maya qui vit dans la forêt. Mar­kus s’oppose, déclen­chant les moque­ries des deux autres. Il est d’ailleurs le seul à avoir des contacts avec Maya qu’il ravi­taille avec ce qu’il peut prendre.
Lors d’une par­tie de chasse de Baron et de ses enfants, ils ont un cerf au bout du fusil. Quand Eugène va tirer, un coup de sif­flet reten­tit qui fait déta­ler l’animal. Le père est furieux. Et il l’est encore plus quand il se prend le pied dans une racine, chute lour­de­ment alors qu’un loup sur­git. Eugène, de peur, se pisse des­sus, ce qui lui vaut des moque­ries qu’il ne sup­porte pas. Il va alors déclen­cher, sans le vou­loir, une suite d’événements qui vont bou­le­ver­ser la petite com­mu­nauté jusqu’à…

Autour d’un tyran­neau rural, dans les années 1920, Mathieu Rey­nès met en scène un duo atta­chant formé de Maya et Mar­kus. Si la pre­mière a dû sur­vivre dans des condi­tions dif­fi­ciles en bor­dure du domaine de Baron, elle s’est entou­rée de l’amitié d’animaux. Mar­kus est un enfant recueilli, élevé sur le domaine et devenu un ouvrier. Il essaie d’apporter son sou­tien à la jeune fille en lui appor­tant de la nour­ri­ture qu’il peut récu­pé­rer en cui­sine, des objets dont elle a besoin, des livres, mais sans véri­fier… s’il y a toutes les pages.
Elle pro­tège les ani­maux, tente de les sau­ver, ce qui met Baron en colère. Son fils pro­fesse les mêmes opi­nions que son père. Il rêve de se débar­ras­ser de Maya. Mais l’aspect fan­tas­tique prend le pas quand le scé­na­riste reprend une vieille légende rela­tive à la proxi­mité de l’homme et du loup. Il traite celle-ci avec un angle peu com­mun qui se montre fort habile et inté­res­sant. Son récit prend une dimen­sion nou­velle jusqu’à un affron­te­ment.
Ce scé­na­rio per­met à l’auteur d’explorer le monde ani­mal, la vie proche de la terre et de com­pa­rer la nature humaine avec celle des ani­maux, mon­trant que chez ces der­niers il n’y a pas de barbarie.

Valé­rie Ver­nay assure le des­sin et les cou­leurs en rete­nant un mode cari­ca­tu­ral. Elle use de traits appuyés lais­sant à sa mise en cou­leurs le soin de struc­tu­rer les dimen­sions. Les sil­houettes sont nom­breuses, per­met­tant de beaux décors de nature, de forêts. Le mise en images des ani­maux est superbe, don­nant tant aux renards qu’aux loups des atti­tudes repré­sen­ta­tives de leurs sen­ti­ments.
Le duo Mathieu Rey­nès et Valé­rie Ver­nay avait déjà signé Mémoire de l’eau, un album fort inté­res­sant. Ils réci­divent avec une fable envoû­tante et mys­té­rieuse à sou­hait ser­vie par un gra­phisme de qualité.

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serge per­raud

Mathieu Rey­nès (scé­na­rio) & Valé­rie Ver­nay (des­sins et cou­leurs), Un loup pour l’homme, Dupuis, coll. “Grand Public”, mai 2023, 184 p. — 27,95 €.

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