Un mystère trop élucidé ?
C’est avec regret que Kathryn Hunter doit abandonner son rôle pour l’ensemble des représentations parisiennes. C’est donc Amanda Hadingue qui interprète le personnage principal de Janina Duszejko, tandis que Tamzin Griffin reprend les rôles qu’Amanda tenait jusque-là.
Une vieille folle adepte de l’astrologie, de l’automédication, cherchant quelque harmonie avec la nature, vitupère contre ses contemporains. C’est l’histoire des frasques de cette ancienne ingénieure, ex-professeure, désormais adepte d’une unité, sinon d’une synergie universelle, confrontée aux exactions des chasseurs, des exterminateurs de la faune protégés par la bienveillance des autorités.
C’est une sévère critique de nos modes de consommation dévastateurs, présentée sur un ton bon enfant, plaisant, comme une comédie dynamique, sur fond d’enquête policière inquiétante : on se demande ce qui a provoqué la mort de ceux qu’on retrouve le cadavre fiché d’os d’animaux. Le propos est dynamisé par de burlesques changements d’ambiance, par des flashs attestant la situation lors d’une enquête, par un ballet accompagnant tous les passages narratifs.
Le spectacle évite certes l’écueil de l’enquête présentée sous la forme d’une énigme nourrie par les strophes de William Blake : les scènes qui se succèdent paraissent en effet tisser plusieurs trames. Pourtant, les différentes perspectives ne sont pas suffisamment développées, si bien que la représentation paraît perdre son dynamisme initial.
Après l’entracte, on assiste à une comparution ; le plateau s’ouvre sur les personnages alignés. La représentation risque alors de prendre une teneur policière, réduisant la démarche à une recherche de coupable. Cependant, la démarche est forte, salutaire, questionnante ; elle est malheureusement un peu appauvrie par un final trop explicite : Simon MacBurney reste dans le ton, mais il sacrifie au rituel d’élucidation, qui semble ôter de la puissance à la situation mystérieuse qu’il s’était proposé d’explorer.
christophe giolito
Sur les ossements des morts [Drive Your Plow Over the Bones of the Dead]
d’après le roman d’Olga Tokarczuk
mise en scène Simon McBurney
Avec Thomas Arnold, Johannes Flaschberger, Tamzin Griffin, Amanda Hadingue, Kathryn Hunter, Kiren Kebaili-Dwyer, Weronika Maria, Tim McMullan, César Sarachu, Sophie Steer, Alexander Uzoka
Scénographie et costumes Rae Smith ; lumière Paule Constable ; son Christopher Shutt ;
vidéo Dick Straker ; direction complémentaire Kirsty Housley ; dramaturgie Laurence Cook, Sian Ejiwunmi-Le Berre ; direction du mouvement Toby Sedgwick ; compositions originales Richard Skelton ; assistante à la mise en scène Gemma Brockis ; collaboration aux costumes Johanna Coe
Perruques Susanna Peretz ; production Complicité Coproduction Barbican – Londres, Belgrade Theatre Coventry, Bristol Old Vic, Comédie de Genève, Holland Festival, Les Théâtres de la ville de Luxembourg, Odéon-Théâtre de l’Europe, The Lowry – Manchester, The National Theatre – Islande, Oxford Playhouse, Ruhrfestspiele Recklinghausen, Theatre Royal Plymouth
À l’Odéon – Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, 75006 Paris
du 7 au 18 juin 2023, durée : 2h50 (1h25 / entracte / 1h05)