Christophe Chabouté, Musée

Quelles visites !!!

L’album débute avec une série de cases pré­sen­tant des por­traits de femmes, d’hommes, d’enfants de tous âges qui regardent et fixent le lec­teur. Une jeune fille pho­to­gra­phie, un couple où la femme fixe alors que l’homme consulte son télé­phone.
Puis, c’est une série de por­traits peints, de sculp­tures et le champ s’élargit sur un public dans un musée, le Musée d’Orsay. Les gens vont, viennent, s’arrêtent pour regar­der jusqu’au moment de la fer­me­ture. Plus rien en bouge dans les allées sauf une sil­houette por­tant sous le bras un paquet plat. Puis un chien passe en cou­rant. À l’extérieur, un homme pro­mène un chien en laisse.
Et, c’est à nou­veau le flot de visi­teurs que Cha­bouté illustre par la posi­tion des jambes quand ils sont face à une œuvre. Il montre des regards atten­tifs, tristes, nostalgiques.

À nou­veau, cette sil­houette qui décroche un tableau pour le por­ter sur le rebord d’une fenêtre quand le musée s’anime. L’auteur montre les per­son­nages reprendre une auto­no­mie lorsqu’ils sont seuls. Mais, il faut arri­ver à la planche 45 pour avoir les pre­mières bulles, des paroles pleines d’humour.
Chris­tophe Cha­bouté alterne alors les atti­tudes, les remarques, réflexions des visi­teurs le jour et celles des sujets des œuvres la nuit. Il pro­pose des pen­sées pleines de sen­si­bi­lité, de bon sens, d’émotion, d’humour avec des situa­tions très cocasses.

Il joue, par exemple, avec les déca­lages de société quand Héra­clès se demande ce que sont, dans les toi­lettes, ces choses blanches au mur, à quoi peuvent ser­vir ces bandes de papier. Une déesse explique à un gla­dia­teur qu’elle a entendu une femme expli­quer lon­gue­ment à une autre sa façon de cuire les coquillettes. Il lui demande : “Qu’est-ce que c’est des coquillettes ?” Elle répond qu’elle ne sait pas.
Il donne aux per­son­nages de Dau­mier, le rôle des langues de vipère à l’affût des inci­dents, de cer­taines situa­tions. C’est le por­trait de Berthe Mori­zot par Edouard Manet que l’homme place chaque soir sur le rebord d’une fenêtre pour qu’elle voit pas­ser l’homme au chien dont elle est amoureuse.

Nombre de scènes se suc­cèdent, pleines d’humour, de sen­si­bi­lité, d’émotion, égra­ti­gnant au pas­sage nos tra­vers comme ces visi­teurs trop pres­sés, trop pédants, ou ces ado­les­cents le nez plongé sur leurs smart­phones, étran­gers aux lieux et aux œuvres.
Entiè­re­ment en noir et blanc, l’auteur livre des des­sins splen­dides, des vues de l’extérieur, de l’intérieur de ce magni­fique bâti­ment avec ces gale­ries, ses œuvres, ses immenses ver­rières et sa grande horloge.

Chris­tophe Cha­bouté à l’art de sur­prendre et avec Musée c’est vrai­ment un grand moment de roman gra­phique, de bande des­si­née.
Abso­lu­ment exceptionnel !

serge per­raud

Chris­tophe Cha­bouté, Musée, Vents d’Ouest, coll. “Hors Col­lec­tion”, avril 2023, 192 p. — 23,00 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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