C’est “parce qu’il y a des choses moins difficiles à écrire qu’à dire”, comme le souligne Sollers dans une de ces lettres, que cet échange entre deux auteurs d’exception est passionnant.
En tant qu’aîné, Ponge fut en quelque sorte un des maîtres de l’auteur de Paradis eu égard à leurs affinités littéraires. Mais bientôt les rôles vont d’une certaine manière se renverser, ce qui ne changera en rien l’estime et l’amitié qui court sur une trentaine d’année et que cette parution retrace.
Certes, après mai 68, les rapports vont changer, mais près de quinze années durant, le poète apportera son soutien à Philippe Sollers, révélation littéraire de la fin des années 1950 avec Le Parc puis en 1ç60 avec sa revue Tel Quel. Celui ci l’ouvrira à Ponge dès le premier numéro de cette revue mythique avec le sentiment que l’oeuvre de celui-ci incarnait son propre projet dégagé d’un certain idéalisme poétique.
Les deux évolueront. Surtout Sollers, que nous suivons ici dans ses années de gloire et d’ascension mais toujours réceptif et envers son aîné. La bienveillance envers les personnes à qui il porte respect et amitié est d’ailleurs une des qualités de l’auteur de Femmes (comme d’ailleurs de son correspondant) .
Et ce, même lors de certains différends que trahit surtout la seconde moitié de ce beau corpus. Certes, il existe parfois de la salade éditoriale dans une telle correspondance mais c’est le prix à payer dans ce genre d’ouvrage. Et de tels passages (par exemple sur le futur livre des Entretiens entre les deux auteurs ) peuvent devenir le maître étalon de ce qui se passe entre eux.
Ajoutons que c’est là un plaisir rare de lecture tant se font face au plutôt vont de pair deux grands stylistes de la littérature qui finissent par se picoter à fleurets mouchetés, ce qui n’est pas sans saveur, ni grâce.
Car les deux lascars, lorsque c’est nécessaire, savent y faire..
jean-paul gavard-perret
Francis Ponge & Philippe Sollers, Correspondance 1957–1982, Gallimard, coll. Blanche, 2023, 528 p. — 32,00 €.