“J’entends dire que les poèmes ne sont pas faits pour les chiens. C’est faux !”, écrit Denis Montebello et il le prouve dans le livre poétique le plus mordant et savant qui soit.
Il rappelle entre autres l’existence du “poème pour chien” qui est dans la liste des contraintes oulipiennes établie par Marcel Bénabou “et consultable sur Internet”. Mais l’auteur y mixe bien d’autres canins. Dont Moka, le chien de sa voisine en premier. Toutefois, il est bien loin d’être le seul.
Citons, en vrac, le chien de Giacometti et celui de Kafka, les Hommes-chiens, les Cynocéphales, la Bête des Vosges, le chien de Pompéi, le robot-chien, Laïka (le chien de l’espace), Milou — forcément -, Idéfix qui fit tout — la guerre d’Algérie finie — pour aider De Gaulle a réaliser son projet pour la France et la grandeur de la nation.
Mais l’auteur ne se limite pas à un listing des chiens, il parle aussi de manière discursive et drôle de la peur des chiens, de l’otectomie, de l’audectomie, de la journée internationale du chien. ET ce n’est pas exhaustif. Le tout avec des vaticinations qui ne sont pas forcément farcesques, tant s’en faux. Ce qui au passage ajoute paradoxalement au régal de la lecture.
En conséquence, le livre se dévore (comme le fait tout chien de sa pâtée). Et il se peut aussi qu’un tel canidé mordrait lui-même à l’hameçon d’un tel opuscule et signalerait son plaisir en aboyant. Il est vrai qu’il y a là des chiens de choix : voir ci-dessus ou encore Kalmus qui, à l’inverse de Nathalie du même nom, ne fut pas coloriste mais écrivain, auteur de sa propre Recherche quasi proustienne.
Existent donc là mille et une (ou presque) considérations et histoires parfois guerrières sur l’animal dit de compagnie. Entre autres au sujet d’ un fidèle Scipion (non africain) dans “les 722 noms de chiens commençant par un S en 2021, et qu’on trouve, en gros “entre Schweppes et Scone (ou Scoobidou)”, un Scipion qui ferait, et pas seulement “pour les professeurs de lettres classiques en retraite, un excellent compagnon”.
Surgissent aussi un Catulle (moins ancien que le philosophe), un Chien à l’hôpital de Séville, un chien policier à l’haleine fétide sans oublier le chien dans Guerre et paix qui n’a pas de nom et bien sûr “Le Titien à sa maman”.
Le tout étiqueté à la manière d’un pensum. Il n’a rien de maudit. Au contraire, tout y est fredonnant, léger et altier, preuve que le chien à l’égal des Muses est source des inspirations les plus poétiques.
lire notre entretien avec l’auteur
jean-paul gavard-perret
Denis Montebello, Le Titien à sa maman, Editions Unicité coll. Eléphant Blanc, 2023, 95 p. — 15,00 €.