Alors qu’elle est dans sa chambre, un écrin de douceur, surgissent en fracassant la fenêtre, deux combattants qui ravagent tout dans leur pugilat. Lorsque le vainqueur, un Indien bariolé, se tourne vers elle, menaçant. Ally se réveille. Quelques minutes plus tard, elle découvre que son père, un homme de science estimé, a été assassiné.
Après les cérémonies funèbres, pour découvrir des indices sur le meurtrier, elle se rend dans le bureau de son père accompagné de son fiancé, un pâle nobliau. Un tiroir verrouillé retient son attention. Plus tard, elle le force et découvre un dossier qui lui révèle la vérité. Elle est le fruit d’une expérience que menait le scientifique. Il voulait prouver que le déterminisme social était plus fort que l’hérédité, que la formation pouvait influer sur le devenir de générations. Elle apprend qu’elle est issue d’un milieu pauvre, qu’elle a une sœur jumelle élevée dans un orphelinat. Ally décide alors de retrouver sa mère et sa sœur. Mais, le passage d’un cadre bourgeois, d’un milieu protégé, à celui de la rue ne se fait pas sans difficultés et, très vite, elle se retrouve dans une situation périlleuse…
La recherche du passé, des racines nourrit un nombre impressionnant de romans et de scénarii de BD et de films. Les motifs et les variantes sont multiples, depuis la connaissance de sa lignée, la restauration de son rang ou, simplement connaître ses origines. C’est le cas, aussi, de nombreuses personnes adoptées voulant savoir qui étaient leurs véritables géniteurs, comprendre d’où ils viennent et le pourquoi de leur abandon. Le scénariste multiplie les pistes, les éléments d’intrigue en introduisant le meurtre des parents adoptifs, une malédiction que seules les jumelles réunies pourront vaincre.
Ce récit se présente sous la forme d’un parcours d’apprentissage avec la découverte de nouveaux milieux, de sociétés différentes dans lesquelles il faut s’intégrer, en apprendre les coutumes et le langage. L’auteur place, également, une rencontre sentimentale qui tombe à point nommé pour la poursuite de l’histoire. Il mêle une pointe d’ésotérisme et d’exotisme. Ce dernier volet devrait être plus développé dans le prochain tome.
Proposant une galerie de personnages d’une remarquable justesse, Noé illustre bien l’esprit de cette haute bourgeoisie du XIXe siècle, sa morale rigide, voire rigoriste, mais aussi sa bêtise bornée et la dégénérescence des individus due à une trop forte consanguinité.
Le graphisme est ici remarquable tant pour les scènes de combat que celles plus intimistes. Ignacio Noé excelle dans la représentation des personnages qui bénéficient d’une stabilité précieuse. Il sait donner une grande expressivité aux regards. Ses décors sont fouillés même si son dessin paraît, au premier abord minimaliste. Sa mise en couleurs, par ses larges à-plats, complète avec grâce et efficacité le dessin pour former un ensemble harmonieux.
Ce premier tome de Douce, tiède et parfumée, une trilogie, est attractif. On attend, avec intérêt, la suite des aventures de cette héroïne attachante.
serge perraud
Ignacio Noé (scénario, dessin et couleurs), Douce, Tiède et parfumée, tome 1 : “Le Doute”, Glénat, coll. “Grafica”, avril 2013, 48 p. – 13,90 €.