Fred Duval, Michel Bussi & Didier Cassegrain, Ne lâche pas ma main

Un thril­ler hale­tant au cœur de l’île de la Réunion

Après la magni­fique adap­ta­tion de Nym­phéas noirs dans la col­lec­tion Aire Libre, les Édi­tions Dupuis réunissent à nou­veau le trio d’auteurs pour un nou­vel album adapté de Ne lâche pas ma main (Les Presses de la Cité — 2013).

Dans l’hôtel de l’île de la Réunion où elle passe ses vacances, Liane Belion quitte le bord de la pis­cine en annon­çant à Mar­tial, son mari, et à Sofa, sa fille de six ans, qu’elle se rend dans sa chambre. Une heure plus tard, Mar­tial, vou­lant voir ce qu’elle fait, constate son absence. Ses vête­ments ont dis­paru, des gouttes de sang tachent le lit et la moquette.
Rodin passe des heures à obser­ver les vagues. Parce qu’il détourne une seconde son atten­tion de la mer, il reçoit un coup de poi­gnard mortel.

Les gen­darmes qui entendent Mar­tial trouvent son atti­tude ambi­guë. Très vite, la capi­taine Aja Purvi et Chris­tos, son adjoint, cernent des contra­dic­tions. Mar­tial n’a pas attendu une heure pour remon­ter, mais un quart d’heure. Il a emprunté, à une femme de chambre, un cha­riot à linge d’une conte­nance suf­fi­sante pour mettre le corps d’une femme menue comme Liane. Près du cadavre de Rodin, un cou­teau porte les empreintes de Mar­tial et des traces du sang de son épouse. Les gen­darmes sont per­sua­dés qu’il est res­pon­sable de deux meurtres.
Celui-ci quitte l’hôtel avec Sofa. Mais, il change tota­le­ment d’attitude quand il découvre, sur une vitre de sa voi­ture de loca­tion, le mes­sage sui­vant : “Rendé vous Anse dé cas­cad Demin 16 h vien avec la fille.” Com­mence alors, pour les gen­darmes, la traque d’un fuyard dont on découvre qu’il n’est pas seule­ment un touriste.

Aja Purvi reçoit une com­mu­ni­ca­tion d’un de ses col­lègues. Liane, à mots cou­verts, avait cher­ché à obte­nir, quelques jours avant, la pro­tec­tion des gen­darmes. Mar­tial avait voulu quit­ter l’île pré­ma­tu­ré­ment. Seule l’affluence tou­ris­tique de ce week-end pas­cal l’en avait empêché…

Jusqu’alors, Michel Bussi avait pri­vi­lé­gié la Nor­man­die comme cadre de ses romans. Avec Ne lâche pas ma main, il trans­porte son récit aux anti­podes, sur l’île Bour­bon, aujourd’hui connue comme l’île de la Réunion.
Dans le livre, le roman­cier, par ailleurs maître en géo­gra­phie, réa­lise un véri­table repor­tage sur ce caillou de qua­rante kilo­mètres car­rés où s’est ras­sem­blé un véri­table labo­ra­toire de l’humanité.

Pour autant, il ne néglige pas l’action, une action pré­sen­tée avec un rythme sou­tenu où il fait alter­ner des cha­pitres à la construc­tion clas­sique avec des séquences consti­tuées de courts para­graphes minu­tés, pas­sant très rapi­de­ment d’un nar­ra­teur à un autre, fai­sant pro­gres­ser l’intrigue à tra­vers les actes de cha­cun d’eux. Il place le lec­teur dans une appa­rente conni­vence, le tenant informé, par exemple, de la pro­gres­sion des tra­queurs et du gibier. Mais, il joue avec lui, comme le chat avec la sou­ris, se réser­vant le rebon­dis­se­ment, le coup de théâtre qui bous­cule toutes les hypo­thèses et les pré­vi­sions.
Michel Bussi excelle dans ce déli­cat exer­cice qui consiste à conce­voir une intrigue plon­geant ses racines dans un passé dra­ma­tique et à en faire un pont per­ti­nent avec la présent.

Fred Duval, pour son adap­ta­tion, pri­vi­lé­gie l’action et les per­son­nages. Si Mar­tial Belion reste le per­son­nage cen­tral autour duquel se construit l’intrigue, il met l’accent sur la capi­taine de gen­dar­me­rie et son adjoint, un lieu­te­nant qui ne fait pas spé­cia­le­ment hon­neur au corps.
Il livre une adap­ta­tion fort réus­sie, retrans­cri­vant avec brio toute la roue­rie du récit, les sub­ti­li­tés des carac­tères, les mys­tères que chaque per­son­nage entre­tient et les degrés de ten­sion qui se dégagent de cette histoire.

Quel pouvait-être un meilleur choix que de rete­nir Didier Cas­se­grain pour mettre en images un tel récit ? Per­sonne ! Il excelle, avec son des­sin si recon­nais­sable, à faire écla­ter les ambiances, res­ti­tuer les atti­tudes des per­son­nages, rendre per­cep­tible le lan­gage des corps, faire per­ce­voir les sen­ti­ments, les émo­tions res­sen­ties.
Que dire de sa mise en cou­leurs qui res­ti­tue la variété de la flore, ses teintes écla­tantes ou ses espaces déso­lés ? Sa repré­sen­ta­tion de cer­tains pay­sages de l’île est unique.

Ne lâche pas ma main est une réus­site de plus à mettre à l’actif de ce trio d’auteurs. Un régal de lec­ture addictive !

serge per­raud

Fred Duval (scé­na­rio adapté du livre au titre épo­nyme de Michel Bussi), Michel Bussi (scé­na­rio) & Didier Cas­se­grain (des­sin et cou­leur), Ne lâche pas ma main, Dupuis, coll. “Aire Libre”, juin 2023, 136 p. — 29,95 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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