La chevalerie comme on ne l’avait jamais vue
Josselin et Jehan sont des chevaliers sans le sou. Le premier porte pour blason un Chevron d’argent et l’autre une Tête de chien. Ils ne sont pas issus d’une lignée aisée et ne sont pas au service d’une riche famille. Ils doivent aller de tournoi en tournoi, combattre, gagner pour obtenir une rançon de la part du vaincu. Ils ont toutefois, à leur service, Paulin, un écuyer, un gamin débrouillard.
Leur rencontre est très récente et Josselin a du mal à combattre contre Jehan, cette jeune femme qui cache soigneusement son secret. Aussi, ils décident de jouter ensemble et d’affronter des champions. Ils jettent leur dévolu sur le Chevalier noirci qui cache son identité mais remporte tous ses combats.
Aussi, quand ils peuvent intégrer l’ost de Gaucher de Joigny, ils pensent avoir franchi un grand pas vers une reconnaissance. C’est Paulin qui va mettre le doigt dans un engrenage dangereux quand, pour obtenir de la nourriture, il est contraint de parier sur les combats auprès d’une bande de mercenaires…
Le preux chevalier, sans peur et sans reproche, prêt à tout pour défendre la veuve et l’orphelin, est bien absent de cette histoire. Vincent Brugeas prend le contrepied de la légende et propose une vision plus proche de la réalité. La vie est difficile et les tournois sont l’occasion de se faire un peu d’argent pour s’assurer quelques temps le gîte et le couvert.
Il articule son récit autour de Jehan, une demoiselle qui dissimule sa féminité et qui combat comme les machos qui l’entourent. Son secret est partagé par Josselin, qui a bien du mal à accepter cette situation et par Paulin. Mais, ils ne sont pas les seuls à savoir.
Ce secret pèse sur Josselin en l’obligeant à mentir, à déroger à une règle qu’il voudrait bien respecter en tant que chevalier. D’autant qu’il a dû prendre des décisions difficiles pour être là. Chacun cache des secrets qui influent sur son comportement.
Et le scénariste donne une belle place à ces tournois, seules occasions pour briller et se distinguer. L’auteur introduit un système de paris, des opérations normalement reniées par ces chevaliers. Mais il faut bien vivre et le matériel, les équipements sont chers.
Roman Toulhoat s’est chargé de mettre en images cette histoire avec un dessin très réaliste. Il oppose ses deux héros, faisant de l’un un grand brun alors que Jehan est rousse et plus menue. Les combats se succèdent et les coups retentissent. Il met un beau dynamisme pour animer ces combats et place de belles vues panoramiques.
Yoann Guillo pare ces dessins de couleurs lumineuses permettant, grâce aux teintes des blasons, de retrouver l’identité des combattants. Il fait vivre la luminosité des braseros, seuls sources de lumières dans les ruines, la nuit.
Un premier livre attachant pour la découverte d’une autre vision de la chevalerie et par sa mise en images de toute beauté.
lire un extrait
serge perraud
Vincent Brugeas (scénario), Ronan Toulhoat (dessin) & Yoann Guillo (couleur), Tête de chien — Livre 1, Dargaud, mai 2023, 136 p. — 20,50€.