Une expérimentation esthétique échevelée
Un propos hermétique est proféré devant le rideau, sur lequel est dessinée à gros traits une personne qui fait “chut”. Le discours est d’abord construit avec des si, pour interroger de façon directe le destin. Quand Médée apparaît, elle dit d’abord la trahison. Sa confession cherche un biais de reconstruction. Sans le trouver.
Le chœur formule de nombreuses questions, notamment concernant l’infidélité. Médée s’interroge ; elle ne veut pas, finalement elle veut tuer, elle ne sait pas qui. Doublement bannie : répudiée par son mari, vilipendée par son roi. Les échanges s’inscrivent bien dans l’ordre de la tragédie : Médée hurle, dit son impossible situation, tente d’expliciter sa position ; elle crie si fort qu’elle ne s’adresse plus aux humains, alors que de fortes musiques lancinantes viennent saturer l’atmosphère.
La scène est drapée de symboles : un véritable travail d’élaboration graphique est présenté, par exemple quand une mystérieuse faille ouvre une béance en fond de scène. On assiste à un spectacle inspiré, fait d’incantations précieuses, nourries d’intentions demeurant parfois hermétiques. Il procède d’une écriture scénique qui essaie de dire le mythe en même temps que la chose.
Une représentation ouvertement symboliste, qui cherche à exprimer une dimension chtonienne. C’est une recherche esthétique, à tendance esthétiste, un peu inhabituelle au Français, qui n’exploite sans doute pas au mieux la troupe. Séphora Pondi officie majestueusement, mais n’est sans doute pas dans son meilleur emploi. En somme, l’investigation présentée aurait sans doute été plus seyante et plus débridée dans un cadre plus expérimental.
christophe giolito
Médée
d’après Euripide
adaptation et mise en scène : Lisaboa Houbrechts
© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française
Avec Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Suliane Brahim, Didier Sandre, Anna Cervinka, Élissa Alloula, Marina Hands, Séphora Pondi, Léa Lopez,
et les comédiennes de l’académie de la Comédie-Française Sanda Bourenane, Yasmine Haller, Ipek Kinay.
Traduction Florence Dupont ; dramaturgie Simon Hatab ; scénographie Clémence Bezat ;
costumes Anna Rizza ; lumières Fabiana Piccioli ; musique originale Niels Van Heertum ;
chants Jérôme Bertier ; son Jeroen Kenens ; travail chorégraphique Tijen Lawton ; maquillages Céline Regnard ; assistanat à la mise en scène Céline Gaudier ; assistanat à la scénographie Nina Coulais de l’académie de la Comédie-Française ; assistanat aux costumes Clément Desoutter de l’académie de la Comédie-Française.
A la Comédie française, Salle Richelieu, 1, Place Colette, 75001 Paris
Du 12 mai au 24 juillet 2023, selon le calendrier de l’alternance.