Ou comment détourner Pavese
La forme même des pyramides prouvait déjà la chute des civilisations : les ouvriers, dit-on, y travaillaient de moins en moins. Alors, comment canaliser la fainéantise, tempérer cette puissante source de vacuité ?
Notre place exacte dans notre société réside-t-elle dans notre faculté à ne rien faire ? C’est comme si le travail n’était plus qu’un théâtre de marionnettes qui n’ont plus la moindre envie de bouger.
Chacun se veut Jocrisse jouant au philosophe, sa sueur réduite à la dimension ridicule de sa propre parodie. Avouons-le, nous ne sommes pas exclus d’une telle attitude : nous nous y cachons pour écrire pantomimes et grimaces de mots.
Et le lecteur consent à devenir complice de cette attitude. Il lit et entend sa propre voix intérieure modulée d’accents grotesques, irréels à force de niaiserie et de son agréable néant ! Quel apaisement quand l’abîme sans bord du rien-faire mélange sans effort les jours qui, étant des dimanches, font ressembler à dieu dormant sur ses nuages et ne sont plus nécessaires.
Ils rassemblent notre éphémère en une grande unité. La diversité n’est donc plus nécessaire en cette frugalité qui s’obstine une fois qu’ont été dépensés les biens que nous ont laissés ceux qui, moins fainéants que nous, avaient donné, tant imbéciles et têtus ils avaient besogné.
Dans cette nuit noire que nous fait le farniente, avançons à tâtons. Faute de chapeau un artichaut fera l’affaire. Le monde est donc illuminé par ce nouveau trait de génie.
D’autant que la cossardise est presque toujours le fait d’une intervention de notre subconscient. Pourquoi donc nous priver de cette richesse ? Pourquoi vouloir à tout prix corriger ses somptueuses révélations qui livrent toutes crues ce que cachait le travail et ce qu’il y avait derrière ?
jean-paul gavarrd-perret
Photo Anna Bambou