Après avoir confié dans son Voies de passage (superbe livre) des arpents de sa vie, Fred Deux a poursuivi le récit de son existence de manière imprévue lorsqu’il reçut un magnétophone. De plus de deux cents heures d’écoute, Muriel Denis a retenu le récit inextricablement liée à celui de Cécile Reims.
Muriel Denis, retirée dans un petit village en Chartreuse, retrace l’histoire du couple, l’histoire de “deux personnes profondément séparées et intensément unies”, se soutenant mutuellement dans la difficile et solitaire voie de la création. Elle met ainsi en exergue ce que les oeuvres autobiographiques avaient peu abordé.
L’auteur fut enthousiasmé par un tel support : “J’ai un magnétophone sur une table et je laisse sortir de moi une mèche enflammée qui s’enroule sur des bobines,” avoue-t-il ». Et Muriel a recueilli la manière “d’être seul à deux”.
Quel plaisir de retrouver cet artiste et écrivain d’exception (que ceux qui n’ont pas encore lu La gana le fassent). Il n’a jamais reçu la reconnaissance que son oeuvre mérite.
Qu’importe : ce livre reprend avec souffle et lyrisme qui il est : “je suis la lettre jetée, je suis la fin des combats, je suis les miettes, les copeaux, je suis le rêve, je suis Cécile (…) je suis la très grande fatigue, je suis la possibilité de mourir, je suis la famille, je suis l’enfance et le dessin, la foi, l’eau d’angoisse, la vie, je suis la mort des parents, le fil qui relie, je suis l’homme en fuite qui parle seul.“
Et c’est dans ce modus vivendi qu’un tel livre d’amour à plus d’un tire permet de pénétrer.
jean-paul gavard-perret
Muriel Denis, Etre Deux ou les bandes magiques, Préface de Pierre Wat, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, juin 2023, 144 p.- 15,00 €.