Cette intrigue est construite en méandres et s’articule autour d’un groupe de personnages qui se débattent à quelques années d’écart. Elle met en scène un avocat qui profite d’un procès bien médiatisé pour s’imposer comme un maître du Barreau. Mais, c’est aux dépends de son épouse, une brillante cardiologue qui, enfermée dans une maternité toxique, finit par disparaître.
Une policière s’est-elle suicidée ou a-t-elle été assassinée dans cette pauvre maison où un corps se dissous dans de l’acide ? Des viols installent un climat de terreur dans une faculté et une femme sans histoire est agressée à l’arme blanche en rentrant chez elle.
Des meurtriers sont défendus de belle manière par cet avocat devenu célèbre, comme ce garçon qui tue ses parents, ce coiffeur le jour devenant un dépeceur la nuit…
Pendant l’hiver 1983, un tribunal juge Christelle qui a tué ses trois enfants. Elle est considérée comme une criminelle de la pire espèce. Pour la défendre, Rodolphe Gantz joue son va-tout pour briller dans ce procès médiatisé.
Son épouse, Hélène, chef du service de cardiologie de Bordeaux, voit sa carrière de chercheuse bien perturbée par la naissance d’un enfant, la naissance difficile d’un enfant qu’elle ne désire pas.
Au printemps 2019, Rémy Brisseau, capitaine à la PJ de Bergerac, est réveillé par son beau-frère. Celui-ci, parti pêcher dans un étang, a entendu un cri terrible. Guidé par les aboiements d’un chien il découvre, dans une habitation modeste, une femme morte, deux entrées de balle dans la tête. En explorant les lieux, le capitaine trouve, derrière un monticule de bûches, un fût avec ce qu’il reste d’un corps dans de l’acide. Il se voit confier l’enquête alors qu’il doit partir avec sa famille pour sa nouvelle affectation dans le Nord.
Hélène vit très mal sa maternité. Elle a le sentiment que son gosse met toute son énergie à lui nuire. Elle disparaît pendant que son époux connaît une belle réussite professionnelle.
La femme morte est une policière. Mais si Brisseau s’implique peu, son adjointe, ambitieuse, avance d’autant qu’elle reçoit, de la part de l’équipier de la morte, le volumineux dossier qu’elle a constitué sur l’affaire qui la mobilisait. S’est-elle trop approchée de la vérité sur cette série de viols, en 2002, qui a semé une psychose à la faculté de droit de Bordeaux ?
En laissant de côté, pour ce roman, son couple d’enquêteurs qui ont fait les délices des livres précédents, la romancière ouvre une nouvelle galerie où chacun joue sa partition sans pour autant prendre la vedette. Avec ce groupe inédit, elle explore d’autres personnalités, s’aventure à dresser de nouveaux types de relations humaines. S’ils sont différents, ils sont toujours aussi tortueux, aussi sombres.
Ainsi, elle anime un nouveau duo de détectives que tout oppose bien qu’ils n’aient qu’une dizaine d’années de différence. Leur manière d’envisager leur métier, l’énergie qu’ils y consacrent créent des tensions qui peuvent être préjudiciables.
En jouant avec plusieurs temporalités, elle imbrique des actions qui ne semblent pas avoir de rapport entre elles. Elle construit de cette manière une histoire moins linéaire. Elle reconnaît, comme nombre de romanciers réellement impliqués dans l’écriture de leur livre, que les personnages prennent une certaine indépendance et mènent leur concepteur dans des espaces non prévus initialement.
Ce roman se déroule essentiellement en Périgord et en Bordelais, une façon de faire visiter de manière différente ces régions.Quant au titre, il fait référence, semble-t-il, à l’hérédité, un des nombreux thèmes structurants ce récit avec la question de la naissance du Mal.
Les fluctuations entre le Bien et le Mal relèvent d’un questionnement immémorial. Où se trouve la vérité et par rapport à quelle morale faut-il la mesurer ?
Cécile Cabanac mène son récit avec une maestria peu commune jusqu’à un dénouement machiavélique. Une réussite de plus à mettre à l’actif de cette romancière au talent bien prometteur.
serge perraud
Cécile Cabanac, Le Chaos dans nos veines, Fleuve noir, coll. “Thrillers”, avril 2023, 464 p. — 20,90 €.