Les éditions Louise Bottu proposent entre autres une série des textes courts qui jouent sur les contraintes narratives. Elle pousse la méthode plus loin en appliquant la contrainte au polar, à travers sa collection “Contraintes noires”. Et ce, avec un premier titre Rendez-vous à Biarritz de Mary Heuze-Bern qui se joue des codes du polar.
Le livre en paru en 2016 est donc transformé désormais en un roman graphique grâce au dessins, graphismes et emprunts, de Rita Menz.
L’enquêteur est en délicatesse avec les sons (s) et (z) mais qu’importe : il doit boucler son enquête en trente cinq pages. Sa disorthophonie embrouille une affaire qui l’est déjà beaucoup et que les interventions de Rita Menz ne rendent pas plus claire — mais c’est pour le plaisir du regardeur-lecteur.
La littérature policière s’en trouve renforcée car la drôlerie du texte est multipliée ici par son aspect graphique. Il met encore plus en exergue le mélange des mots. Mary Heuze-Bern jongle avec les clichés du polar, et la graphiste s’en amuse par la liberté qu’elle s’accorde avec le texte premier.
Ce ne sont plus seulement les mots qui s’émancipent mais les images aussi. Parfois, elles sont empruntées à Duchamp, Jaspers John, Magritte, Malevitch, Bacon, Matisse et bien d’autres dans divers types de carambolages plus ou moins nonsensiques que multiplient ceux des images.
La graphiste zèbre le texte de ses interventions là où et par exemple une cuisine abrite les stoïques et Zorro. Tout lecteur de polar, tout esthète s’en trouvera fasciné — quoique parfois épuisé par une telle “lecture”. Mais un tel effort en vaut la chandelle. Le plaisir est au rendez-vous.
jean-paul gavard-perret
Rita Menz & Mary Heuze-Bern, Rendez-vous à Biarritz, Louis Bottu, Paris, mai 2023, non paginé — 20,00 €.