La mémoire de Sylvie Marot semble désormais enfuie : “Sa mémoire est physalis. D’éclatante, elle est aujourd’hui lanterne éteinte. Sa pulpe s’est asséchée. Seules ses nervures la soutiennent.” Mais ce n’est là qu’une impression.
Cette mémoire reste une dentelle. Certes, il y a des vides, des blancs, mais tout devient “calice-squelette” aux mille facettes.
Et si le temps des voluptés juteuses est passé, sort des abîmes une mémoire en mousseline. “L’héroïne” Emma retricote ses souvenirs, se tient au chevet de son passé pour chercher encore sa place.
Et si cette “mémoire topographique est encore la pire de ses mémoires” car elle brouille les cartes, cela n’empêche pas une remontée chez celle qui sent si bon l’amande douce et dont les robes sont “de ramie ou de glycine, plus rarement de laine et de soie.”
Sylvie Marot tisse là un réseau de sensations, et une cartographie émotive où elle se perd et ce, avec en épigraphe un adage nippon : “Au matin les joues roses, au soir des os blancs.” Et c’est ainsi que des nuages coulent encore et que des étoiles mortes revivent.
L’héroïne et double de l’auteure “s’emmousse” ainsi entre le flou et la netteté. Preuve que, comme il est dit en fin d’ouvrage, “La vie est questionnements”.
jean-paul gavard-perret
Sylvie Marot, Physalis, La Crypte, mai 2023, 104 p.