Laurence Fritsch, Supplique pour la fin des nuits sans lune

L’émis­saire

Cons­ti­tué de deux révo­lu­tions de 27 poèmes, comme la révo­lu­tion sidé­rale de la lune, ce livre est de fait une extra­po­la­tion cos­mique de la phrase de Roberto Juar­roz écrite en exergue : “Quelque chose d’obscur porte l’homme / à inter­rompre toute ce qui s’écroule : /la lumière, l’eau, l’amour, la pen­sée, la nuit”. (Trei­zième poé­sie ver­ti­cale). 
L’auteure s’adresse “à tous ceux qui se sont un jour per­dus dans l’encre de la nuit, et qui, levant la tête vers le fir­ma­ment, n’y ont pas vu l’orbe récon­for­tante de la lune.”

Pour une telle poé­tesse, la nuit réunit part d’enfance, peurs, insom­nies et l’inspiration qui naît lorsque le cer­veau paraît s’endormir. La lune inci­dem­ment le nour­rit.  Elle devient plus qu’un éclai­rage  : c’est la lumière qui fait par­ler le noir de l’inconscient.
Si bien que Lau­rence Fritsch “fait” du Sou­lages avec ses mots en mon­trant que le noir, s’il est cou­leur, n’existe que dans sa brillance.

Le recueil parle aussi les ténèbres des nuits sans lune, des cavi­tés et grottes, des sil­houettes fan­tas­ma­go­riques chères à Blake. Toutes pré­servent la pré­sence clair­voyante de la lune.
Car, ce qui nous clôt dans nos cau­che­mars, elle le recons­truit de manière plus ver­ti­cale et ailée en une mosaïque bar­bare. A nous de la recons­truire et interpréter.

Loin des visions réduc­trices, Lau­rence Fritsch devient la mani­pu­la­trice des ombres et de leurs mys­tères que la lune habille. Celle-ci, habi­tuel­le­ment est sexuel­le­ment dési­gnée comme fémi­nine et devient même l’emblème du genre. Ici, elle le quitte pour pro­duire des agi­ta­tions sub­tiles — où l’érotisme plane subrep­ti­ce­ment -  qui éclairent notre aveu­gle­ment pour faire de nous des âmes noc­turnes et lucides.
Ainsi, les tran­sis du fir­ma­ment se réveillent et se révèlent à eux-mêmes, entre appa­ri­tions et spectres.

lire notre entre­tien avec l’auteure

jean-paul gavard-perret

Lau­rence Fritsch, Sup­plique pour la fin des nuits sans lune, Pierre Tur­cotte Édi­teur. Mont­réal (Qué­bec), mais 2023, 68 p — 15,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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