L’aura de Sherlock Holmes, dans l’univers du roman policier, est telle qu’elle suscite sans cesse la rédaction d’enquêtes apocryphes. Cette fois, c’est Jean-Pierre Pécau qui s’empare du personnage pour une traque peu commune.
Il s’attache aussi présenter la véritable personnalité du détective qui, en ne respectant rien, ni personne, faisait figure d’un véritable anarchiste.
Sur les bords de la Tamise, à marée basse, une femme découvre une jeune fille morte, le visage caché par un masque étrange. Sa bouche et ses paupières sont cousues. Le commissaire affirme que les coupables sont les Jamaïcains. Lestrade n’est pas de cet avis et s’en ouvre à Sherlock Holmes.
Devant le corps, Holmes tire des conclusions pertinentes mais reste perplexe devant le masque. Il fait appel à son ami Oscar Wilde qui lui indique Félix Fénéon, la seule personne, qui selon lui, est capable d’identifier la provenance du masque. Mais il est actuellement à Paris.
Lorsque Holmes et Watson arrivent, ils apprennent que celui-ci est en prison, accusé d’avoir placé une bombe dans un restaurant…
À partir de l’assassinat d’une gamine pauvre des faubourgs de l’East End, Jean-Pierre Pécau déroule les recherches du détective et les différents univers que celui-ci va côtoyer. C’est ainsi que Félix Fénéon (1861–1944), une figure anarchiste, va occuper une place importante dans le récit.
Celui-ci est journaliste, collectionneur d’art, surtout africain. Il prend fait et cause pour Dreyfus et est, effectivement, inculpé pour avoir jeté une bombe dans un restaurant parisien. Il sera acquitté ayant lui-même, brillamment, assuré sa défense.
D’autres intervenants authentiques sont mobilisés comme Oscar Wilde qui est redevable à Sherlock pour son célèbre livre Le portrait de Dorian Gray, Toulouse-Lautrec, des peintres…
Holmes s’introduit dans les milieux anarchistes, dans celui des réfugiés politiques, des damnés de la Terre. Jean-Pierre Pécau assure un récit riche en actions et en péripéties.
La mise en images est l’œuvre de Michel Suro pour le dessin et de Scarlett pour la couleur. Avec son trait léger, Michel Suro assure une belle galerie de personnages réalistes. Il fait ressentir tout le dynamisme du Grand détective, donnant aux acteurs du drame une présentation conforme aux modes en vigueur en cette fin de XIXe siècle.
Scarlett fait de même, privilégiant les couleurs uniformes, peu attrayantes, pour les vêtements, mais faisant ressortir brillamment les diverses ambiances du scénario par des tonalités appropriées.
Un premier tome bien attractif pour la variété des situations, des intervenants, pour un récit intrigant et pour une mise en images qui se regarde avec grand plaisir.
serge perraud
Jean-Pierre Pécau (scénario), Michel Suro (dessin) & Scarlett (couleur), Sherlock Holmes et les mystères de Londres — t.01 : La Noyée de la Tamise, Soleil, coll. “Hors collection”, avril 2023, 56 p. — 15,50 €.