Frédéric & Julien Maffre, Stern — t.05 : “Une simple formalité”

Dans un engre­nage infernal…

Les frères Maffre pour­suivent leur saga dans l’Ouest amé­ri­cain avec un héros aty­pique. Il n’a rien de flam­boyant mais il tente de s’opposer à l’injustice, de faire valoir les droits des plus faibles. Qui sont les véri­tables héros ? Ceux qui roulent des épaules mais res­tent inef­fi­caces, les grandes gueules qui hurlent des invec­tives, lancent des injures, des rodo­mon­tades ou ceux qui de façon nor­male pri­vi­lé­gient la jus­tice, tra­vaillent dans la dis­cré­tion à gom­mer les inéga­li­tés, à por­ter secours aux plus faibles, aux plus dému­nis, à lut­ter contre la dic­ta­ture ?
Les frères Maffre ont choisi car leur per­son­nage, qui occupe tout l’espace de belle manière, reste fidèle à ses prin­cipes, à ses idées même si c’est au détri­ment de son propre intérêt.

Depuis un an, Eli­jah Stern habite La Nouvelle-Orléans, en Loui­siane. Il est un simple employé au cime­tière. Ayant tou­ché sa paye de la semaine, il va la dépo­ser à la banque tenue par le cou­sin de son employeur. Lorsqu’il s’apprête à res­sor­tir, trois hommes cagou­lés et armés sur­gissent. Le direc­teur, armé d’un révol­ver, essaie de les tuer. Il est abattu. Stern est le seul témoin.
Au poste, l’inspecteur Moss compte-tenu des piètres indi­ca­tions d’Elijah pense tenir les cou­pables. Il lui demande de les iden­ti­fier, cela sera une simple for­ma­lité. Or, les trois Ita­liens arrê­tés ne sont pas les bra­queurs. Cette affir­ma­tion ne satis­fait pas le poli­cier, ni sa hié­rar­chie qui pen­saient avoir une affaire vite réglée. Mal­gré les pres­sions, Eli­jah main­tient sa décla­ra­tion. Il est alors soup­çonné de com­pli­cité et mis en cel­lule avec les trois suspects…

Avec ce pro­ta­go­niste falot, les auteurs explorent une Amé­rique loin du wes­tern triom­phant à la John Wayne. Ils montrent une réa­lité, le racisme, l’hypocrisie de cette société, la popu­la­tion qui s’emporte sous l’action de quelques meneurs pour faire “jus­tice”.
Et ce qui est frap­pant, c’est de consta­ter que les idées et les concepts sociaux n’ont guère évo­lué depuis le XIXe siècle. Le racisme est tou­jours aussi pré­sent même s’il n’est plus dirigé vers les Ita­liens, l’hypocrisie règne en maî­tresse et des indi­vi­dus trom­pés par quelques meneurs peuvent tou­jours se conver­tir en pseudo-justiciers.

Le scé­na­riste bous­cule Stern, le met en situa­tion dif­fi­cile et met en scène une gale­rie étof­fée de per­son­nages dont cer­tains sont empreints d’une belle huma­nité. Fré­dé­ric Maffre place son lec­teur dans la même situa­tion que son héros pour ceux qui ne pos­sèdent pas quelques notions de la langue ita­lienne.
Julien Maffre assure un des­sin réa­liste, cam­pant en quelques traits essen­tiels per­son­nages et décors. Loin des cadres gran­dioses de plaines et de mon­tagnes, le héros cir­cule dans la ville, entre les tombes, dans une atmo­sphère très plu­vieuse qui ren­force l’aspect injuste et cor­rompu du récit.

La mise en cou­leur néces­site la par­ti­ci­pa­tion de quatre créa­teurs autour de Julien Maffre. Les teintes brui­neuses, ternes, ren­forcent l’ambiance délé­tère dans laquelle se débat le héros.
Avec cette série, les auteurs renou­vellent une vision du wes­tern, mettent en lumière des dys­fonc­tion­ne­ments socié­taux avec un talent remar­quable, que ce soit pour le scé­na­rio ou pour le graphisme.

serge per­raud

Fré­dé­ric Maffre (scé­na­rio), Julien Maffre (des­sin et cou­leur), Tho­mas “Pépi­tom” Lavaud, Bas­tien Bazar, Karamba Dramé, Samuel Laf­fitte (cou­leur), Stern — t.05 : Une simple for­ma­lité, Dar­gaud, avril 2023, 72 p. –16,00 €.

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