L’oeuvre poétique de Michel Dunand se caractérise par un exercice en discrétion de haut-vol. Aporétique, l’auteur préfère cultiver une part d’ombre en laissant aux bavards les digressions lyriques.
Tout se passe dans la retenue. Par exemple, pour évoquer Romain Gary, quelques lignes suffisent : “Un dernier cigare, et le voilà qui nous quitte, en laissant le théâtre allumé. //C’était Gary, tout simplement / Qu’ajouter ? : C’est compliqué”. Et c’est au lecteur de comprendre et de terminer.
Rien d’autres pour tout dire. Et les vignettes se succèdent une à une, entre portraits et paysages. L’auteur livre ainsi son armoire aux secrets en ouvrant le ventre de sa bibliothèque — où la littérature russe se taille un belle part — et en usant encore de certains départs.
Le poète reste un chevalier errant qui se dispense d’un Sancho pour penser. Les grands auteurs et les dernières escales suffisent. L’Histoire est là en filigrane. Le triste aujourd’hui aussi. Cela vaut non une messe (chantée) mais nécessite le retour à Tchaïkovsky, Rachmaninov ou Prokofiev. Et ce, même lorsqu’il y a des fractures dans le ciel d’Ukraine.
jean-paul gavard-perret
Michel Dunand, Un pont des fleuves, Jacques André Editeur, coll/ Poésie XXI 2023, 100 p. — 14,00 €.