Avec ce récit de chevalerie ayant pour héros des personnages inspirés du couple Charlemagne-Roland, son neveu, mâtiné de sombre magie, Philippe Pelaez renoue avec un genre riche en actions. Les rebondissements et bouleversements sont légions dans cette histoire.
Il donne aux femmes une forte présence et surtout un pouvoir sur ces guerriers qu’elles mènent presque à leur guise. N’ayant pas lu le poème de Ludovico Ariosto dit L’Arioste, composé au XVIe siècle, il est difficile de faire un parallèle entre les deux, d’apprécier si la prédominance féminine est l’œuvre du poète italien ou si elle est à mettre à l’actif du scénariste. Mais, en tout état de cause, c’est un récit, selon la formule consacrée depuis Shakespeare : “…plein de bruit et de fureur”, mais loin d’être conté par un idiot.
Aslan le fourbe, le conseiller du roi Kaarl, arrive sur la prairie des cendres. Le garçon qu’il interroge reste muet. Et pour cause, c’est un fantôme qui erre, lui dit une jeune femme qu’il reconnaît comme Sibly, l’écuyère d’Onfroi de Malemort, qui a gagné la Grande Joute. Elle lui révèle qu’Onfroi n’est autre que Garalt revenu de l’Outre-Monde. Il veut la frapper avec son épée, mais celle-ci vole en éclats car il a à faire à Morgane. Elle lui ordonne de retrouver Roland, de lui faire rendre Durandal, son épée, pour qu’il puisse combattre Garalt. Elle lui promet qu’il trahira Roland et le mènera à sa perte.
Pendant ce temps, l’empereur Agramant peaufine des attaques sur la cité d’Ys tenue par Kaarl. Mais Roland reste amoureux fou d’Angélique, alors que Garald n’oublie pas Alcyna. Et les femmes savent faire changer le cours de l’Histoire…
Le graphisme se partage entre Laval Ng et Tanja Wenisch. Le dessin de Laval Ng pour les trois premières planches, s’inspire de la facture chère à Philippe Druillet. On retrouve les obsessions, les rites de ce créateur hors-pair, ces visages aux multiples mentons, la nature et le style des décors. Les fulgurances de certaines planches, de nombre de vignettes rappellent le Grand Maître de la BD de SF. Le trait énergique de Laval Ng confère aux actions le dynamisme nécessaire. Les femmes sont belles et les décors, tant intérieurs qu’extérieurs, retiennent le regard.
La mise en couleurs de Tanja Wenisch, par l’emploi de teintes vives ou ternes, cadence le récit de belle manière.
Cet album clôt un diptyque séduisant par la découverte d’une belle source d’inspiration, par un traitement scénaristique fort bien mené et par un graphisme dynamique.
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario), Laval Ng (dessins) & Tanja Wenisch (couleurs), Furioso — t.02 : L’Outre-Monde, Éditions Bamboo, label “Drakoo”, avril 2023, 48 p. — 14,90 €.