Victor Guilbert, Terra Nullius

Une Terre sans maître ?

Ce roman déroule une nou­velle enquête de l’inspecteur Hugo Bolo­ren qui va explo­rer les des­sous d’une Terre sans maître, un ter­ri­toire qui ne relève d’aucun État.
Tout com­mence dans cette immense décharge à ciel ouvert à la fron­tière entre la France et la Bel­gique, un ter­ri­toire qu’aucun des deux pays ne se dis­pute. Dans ces mon­tagnes de déchets, Jim, un gar­çon entre 10 et 12 ans, a un tré­sor qui va sor­tir son uni­vers de la misère noire. N’est-il pas un super­hé­ros ? Il en porte un cos­tume qu’il a fabri­qué lui-même. Une sil­houette met fin à son pro­jet d’un ter­rible coup sur la tête.

À Paris, Hugo a perdu sa bille, celle qui lui per­met d’ordonner ses pen­sées. Le com­mis­saire Gros­set, son chef et ami, lui a trouvé un éta­blis­se­ment à Lille où il pourra pla­cer sa mère atteinte d’Alzheimer. De plus, il l’engage à ren­con­trer Solange Ker­na­dec, une paléon­to­logue qui, grâce à ses connais­sances en psy­cho­lo­gie évo­lu­tion­niste, pour­rait aider Hugo à mieux vivre.
C’est Lulu la sta­giaire qui remarque un fait étrange en tra­vaillant sur son pro­jet. Un homme, par trois fois, a été cité comme témoin direct d’un meurtre, celui-ci com­mis à des époques et dans des lieux différents.

Hugo, ayant connais­sance du drame de la décharge, demande à être inté­gré à l’enquête car il sera à Lille, tout près. Or…

Victor Guil­bert n’est pas avare de per­son­nages. Autour de son héros, ce poli­cier par­ti­cu­liè­re­ment atta­chant par son huma­nité, il déve­loppe une belle série de pro­ta­go­nistes à la fois sin­gu­liers et ori­gi­naux.
C’est aussi un cadre ori­gi­nal qu’il retient avec cette gigan­tesque décharge, cet amon­cel­le­ment hima­layen de déchets de toutes natures où sur­vivent quelques popu­la­tions en bidon­ville. Il fait de cette mon­tagne un véri­table laby­rinthe dan­ge­reux, des amon­cel­le­ments instables, des failles cachées géné­rées par les intem­pé­ries ou la cha­leur qui pro­voquent des réactions.

Dans ce livre, le roman­cier aborde des pro­blèmes très actuels comme le dif­fi­cile trai­te­ment des déchets qui amène à ces mons­trueux amas. Certes, ils offrent, pour un court moment, un répit avant de deve­nir ingé­rables, être des sources néfastes tant pour la nature que pour les popu­la­tions.
Il met en scène des dif­fi­cul­tés liées au vieillis­se­ment et à ce fléau qu’est cette patho­lo­gie iden­ti­fiée par Alois Alz­hei­mer. Pre­nant la mère de son héros comme exemple, il détaille les affres que vivent les proches et les pro­blèmes liés à l’absence de trai­te­ments et aux soins dif­fi­ciles à obte­nir. C’est éga­le­ment ces laissés-pour-compte qui sub­sistent vaille que vaille, avec les dif­fi­cul­tés quo­ti­diennes et les dérives possibles.

Et puis, il y a Hugo, ce héros ou anti­hé­ros selon le point de vue où l’on se place, qui tente lui aussi de sur­vivre, de mener une enquête dif­fi­cile, confronté à des rebon­dis­se­ments sans nombre, désta­bi­li­sants. Avec cette ouver­ture vers un mieux pos­sible, vers cette île repré­sen­tée par Solange.
Avec une belle écri­ture où l’humour et la ten­dresse ne sont jamais absentes, une gale­rie de per­son­nages bien proches de l’Humanité souf­frante déployant le meilleur comme le pire, Vic­tor Guil­bert offre une lec­ture addic­tive jusqu’au dénoue­ment d’une intrigue vertigineuse.

serge per­raud

Vic­tor Guil­bert, Terra Nul­lius, Hugo Thril­ler (mars 2022 — 19,95 €), J’Ai Lu n° 13 744, mars 2023, 352 p. — 8,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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