Emmanuel Moses souligne l’importance du temps dans “l’action poétique”. L’homme est hors d’abri, exposé au dehors sans pouvoir trouver d’adéquation entre l’univers et monde intérieur.
La poésie est donc la traversée de doutes et des angoisses. Les hommes ne peuvent aller à l’unisson comme les oiseaux migrateurs, compréhensifs et prévenus. Mais en dépit de ses doutes sur le “chant”, l’auteur par la parole poétique, tente de rétablir un lien entre l’homme et le monde.
Certes, il souligne que “Quand chaque moment peut être un signe, chaque émotion, un chemin, chaque changement de lumière, une promesse ou un séisme, quand on a l’impression que la vie se livre enfin (…), il faut cesser de parler et, faux ou juste, chanter, semer les notes comme on sème des graines, et ainsi déjouer le vide, ce rongeur à qui il n’est pas question de laisser gagner la partie.”
Néanmoins, son livre s’inscrit en faux contre cet abandon et lutte contre le “rongeur” au nom de l’amour. Et peu à peu, le caractère passager de la vie rend un accord possible entre le dedans et le dehors par la poésie.
Elle devient la réelle maison de l’être. Si — et seulement si — elle est capable de produire des choses simples, celles qui nous appartiennent tout près de nos mains et dans le regard. C’est bien ce qui se passe en un tel recueil.
jean-paul gavard-perret
Emmanuel Moses, “Étude d’éloignement”, Gallimard, collection Blanche, mai 2023, 80 p.