Anne Sexton, Transformations

Méta­mor­phoses des contes de fée

Complé­tant Tu vis ou tu meurs — Oeuvres Poé­tiques — 1960 — 1969 parues dans la même mai­son d’éditions, cette suite de poèmes est la réécri­ture de seize contes des frères Grimm. Il s’agit bien d’une refonte et non d’une adap­ta­tion.
S’y retrouvent l’âme et le corps tour­men­tés de celle qui resta long­temps l’oubliée de la poé­sie amé­ri­caine du XXème siècle mais qu’elle moder­nisa à sa façon, loin des dogmes et des chapelles.

Chez elle, le fond reste sau­vage parce que la forme poé­tique déplace les lignes en vers. Tout ici devient aussi volup­tueux que sar­cas­tique. La chair  est bras­sée là où, dans la doxa amé­ri­caine, le côté Dis­ney de tels contes ser­vaient à ambian­cer un conser­va­tisme sen­ti­men­tal. Sex­ton revient à un cer­tain archaïsme qui ani­mait les contes ori­gi­naux mais elle va beau­coup plus loin qu’eux.
Bref, elle se fait sor­cière des sor­cières et — sour­cière tout autant -  renou­velle non seule­ment la vision des contes mais celle des femmes à tra­vers  ce que la poé­tesse connut avec délice ou ter­reur : la famille, le désir et la sexualité.

A ce titre, les contes devinrent le sub­strat idéal à son ima­gi­naire qui trouva là un point d’appui où le drôle et l’horrible se côtoient et aux­quels Anne Sex­ton offrit un nou­veau contenu, en marge des conven­tions  de la morale des USA. Les textes ori­gi­naux trouvent donc là une réécri­ture  per­cu­tante.
La poé­tesse feint de com­men­cer dou­ce­ment mais rap­pelle très vite qu’elle est elle-même et à sa manière une fabu­liste médié­vale, en trou­vant un malin plai­sir à ren­ver­ser de fait et par la bande les don­nées immé­diates d’un patriar­cat qui nour­ris­sait des his­toires où nor­ma­le­ment,  et Du coté des petites filles l’avait sou­li­gné, les femmes n’étaient que des oies blanches prêtes à se livrer corps et âme au pre­mier prince venu.

jean-paul gavard-perret

Anne Sex­ton, Trans­for­ma­tions, trad. de l’anglais (US) Sabine Huynh, Edi­tions des femmes — Antoi­nette Fouque, Paris, 4 mai 2023, 128 p. — 14,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Poésie

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