En introduction, Edgar Allan Poe s’interroge sur la faculté et sur les capacités d’analyse, sur la subjectivité de la pensée, qu’il compare à l’ingéniosité. Pour illustrer ses propos, il donne le récit qui suit.
Le narrateur, un Américain, est venu quelques mois à Paris. Il fait la connaissance, dans un cabinet de lecture, de C. Auguste Dupin, un homme qui le séduit par sa culture mais qui a subi des revers de fortune. Des liens d’amitié se tissent au point qu’ils partagent la même maison, louée par le narrateur.
Ils ne sortent que la nuit, pour de longues promenades. C’est au cours de l’une d’elles que Dupin sidère son ami lorsqu’il lui dévoile la conclusion à laquelle il est arrivé en méditant sur un acteur de théâtre.
C’est avec la presse qu’ils suivent un crime barbare. Deux femmes ont été tuées avec sauvagerie. L’arrestation du commis de la banque, qui avait apporté une grosse somme d’argent aux deux femmes peu de temps avant, fait réagir Dupin. Celui-ci lui avait rendu un service et il ne veut pas se montrer ingrat.
Ils se rendent sur les lieux…
Dans La vérité sur le cas de M. Valdemar, le nouvelliste installe le magnétisme, les effets de l’hypnose, dans son intrigue. Il mêle ainsi médecine des années 1840 et fantastique. Ne s’agit-il pas de maintenir un homme dans le sommeil, l’empêchant de basculer totalement dans la mort ? Le portrait ovale a également pour thème la mort, celle d’une jeune femme qui s’étiole au fur et à mesure que son portrait avance.
La mort est omniprésente dans le trois nouvelles proposées, une mort violente, en attente, et le transfert de la vie vers le décès.
Double assassinat dans la rue Morgue a fait d’Edgar Allan Poe le père du roman policier du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. L’esprit d’analyse de son héros, Auguste Dupin, sera repris de nombreuse fois mais porté à un paroxysme par un certain Conan Doyle avec son détective Sherlock Holmes.
Ce qui est marquant, à la lecture de ces trois nouvelles, est la capacité de l’auteur de donner des précisions qui démontrent, de sa part, un esprit d’analyse peu commun, connaissant son mode de vie. Il en va ainsi, par exemple, de son illustration de la fragilité du témoignage humain en faisant défiler une dizaine de personnes qui n’ont pas retenu la même chose alors qu’ils ont vécu les mêmes événements.
Ce recueil est abondamment illustré par Paul et Gaëtan Brizzi qui réalisent des pleines pages jouant merveilleusement avec toute une palette de nuances entre le blanc et le noir. Ils donnent vie à un Dupin réaliste et à des décors du plus bel effet.
Ces illustrations renforcent le plaisir de la lecture, d’autant que l’éditeur propose une superbe présentation avec un grammage conséquent pour les pages intérieures et une couverture bien rigide.
serge perraud
Edgar Allan Poe — Double assassinat dans la rue Morgue suivi de La vérité sur le cas de M. Valdemar et de Le portrait ovale, traduction de Charles Baudelaire, Futuropolis et Gallimard, coll. “la petite littéraire”, mars 2023, 128 p. — 16,90 €.