Jean-Christophe Portes, Oscar Wagner a disparu

Et, sous l’Occupation les affaires continuent…

Avec la série des enquêtes de Vic­tor Dau­te­rive, ce jeune gen­darme, Jean-Christophe Portes dévoile une Révo­lu­tion fran­çaise bien éloi­gnée de la légende qui a été for­gée. Paral­lè­le­ment, il signe deux polars contem­po­rains remar­quables par le tonus de leurs intrigues et l’humour qui les imprègne.
Avec Oscar Wag­ner a dis­paru il pro­pose une nou­velle saga se dérou­lant sous l’Occupation alle­mande, dans cette période trouble où les clo­portes triom­phaient, où des héros se levaient. Elle débute en avril 1942

Au Cha­pi­teau, une boîte de nuit, Mo tue un homme. Il a du faire vite avant que celui-ci ne donne l’alerte. Mais il faut faire dis­pa­raître ce corps volu­mi­neux. Il le traîne dans le sous-sol et, en atten­dant, il le fouille, découvre une petite for­tune. Il s’appelle Oscar Wag­ner, un agent com­mer­cial d’une société inter­na­tio­nale de trans­ports.
Dans un deux-pièces, une jeune femme attend. Elle déteste ce lieu qui a des allures de lupa­nar. Avec le retard, elle com­prend qu’Oscar Wag­ner, son patron, a dis­paru. Certes, il ne res­pecte pas ses heures de rendez-vous, mais elle ne l’imaginait pas faire faux bond avec autant d’argent en jeu. La cir­cu­la­tion est rare sur le bou­le­vard Suchet. Aussi, lorsqu’elle entend une voi­ture s’arrêter, qu’elle voit deux Alle­mands en sor­tir, elle prend peur et s’enfuit par une voie repé­rée depuis longtemps.

Maurice, sur­nommé Mo les Yeux-Bleus, est Corse, proxé­nète et trempe dans dif­fé­rentes com­bines très lucra­tives dans cette période très cor­rom­pue.
Eli­sa­beth Beres­ford, dite Liz­zie, dont les ori­gines de sa famille remontent à Guillaume le Conqué­rant, assure le secré­ta­riat d’Oscar Wag­ner. Elle doit tra­vailler, sa famille étant rui­née. Mais, elle a pour mis­sion de le sur­veiller pour le compte du MI6, le ser­vice secret bri­tan­nique.
Elle part sur ses traces, une quête périlleuse, pour ten­ter de retrou­ver le plan secret d’Hitler qu’il vou­lait vendre très cher aux alliés.
Mo se retrouve avec un cer­tain nombre de groupes qui le traquent depuis des col­la­bos, des truands, divers ser­vices allemands…

Le roman­cier fait pas­ser la tota­lité de son récit à tra­vers le par­cours de deux per­son­nages prin­ci­paux, Mo et Liz­zie. Eli­sa­beth Beres­ford, épouse Van der Jagt, est entraî­née, à son corps défen­dant, dans la guerre secrète menée par les Anglais contre les Alle­mands. Mo est corse, qui s’est ins­tallé dans la délin­quance, le pied mis à l’étrier par les frères Gué­rini.
Un troi­sième indi­vidu, Oscar, qui meurt dès la troi­sième page, va cou­vrir de son ombre, de ses magouilles, le des­tin des deux héros, deux héros magni­fiques dans la tota­lité de l’histoire.

Avec ses deux acteurs, l’auteur pro­pose deux par­cours oppo­sés qui vont se croi­ser, se confondre un peu, pour le meilleur, mais sur­tout pour le pire. Avec Liz­zie, il raconte une des­cente vers la pau­vreté alors que Mo pro­gresse vers une richesse, bien mal acquise certes. Mais qu’elles richesse ne sont pas construites sur des actions dites légales à défaut d’être hon­nêtes ?
Autour de ces pro­ta­go­nistes de fic­tion, il anime nombre de per­son­nages authen­tiques et relate sans fards les situa­tions. Il apporte un nombre consi­dé­rables de pré­ci­sions réelles ou ins­pi­rées de faits authen­tiques et les met en scène de belle manière. Il révèle, par exemple, que les Alle­mands, bien avant l’invasion de 1940, avaient implanté un solide réseau de ren­sei­gne­ment. Cer­tains de ces espions ont par­ti­cipé à la construc­tion de… la ligne Maginot !

Portes ne fait grâce ni des séances de tor­ture de la Ges­tapo, ni des mau­vais trai­te­ments des pros­ti­tuées, ni de la bar­ba­rie des SS, ni de la dépor­ta­tion des Juifs, ni de la col­la­bo­ra­tion et des pénu­ries, le tout appuyé sur une solide docu­men­ta­tion et un art très maî­trisé du récit.
Une écri­ture cise­lée, un rythme nar­ra­tif tonique, des per­son­nages atta­chants ou répu­gnants mais tou­jours bien cam­pés, donnent à ce thril­ler his­to­rique une qua­lité peu commune.

serge per­raud

Jean-Christophe Portes, Oscar Wag­ner a dis­paru, Hugo, coll. “Thril­lers”, mars 2023, 384 p. –19,95 €.

Leave a Comment

Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>