Jaana Seppänen, Possédée possédant

Une femme avec une femme — temps, modes, langues
“Cela s’est déjà passé, il y a eu pos­ses­sion : on est pos­sé­dée
– par la mala­die, par la crainte, par la mort.
On ne pos­sède rien, même pas ses rêves, ses rêves on ne
les pos­sède sur­tout pas, ils sont libres, incon­trô­lables, et en
par­tie, la vie est un rêve et nous sommes libres“
(Jaana Seppänen)

 

Règle­ments de compte en actes sous fond de lacs, îles et dérives, sous fond de langue aussi et de diverses conju­gai­sons : c’est ainsi que la tra­gé­die se passe même si Jaana Seppä­nen met des cir­con­vo­lu­tions à son sujet.
Néan­moins, il faut appe­ler cer­taines actions par leur nom. L’auteure ne s’en prive pas mais d’une cer­taine manière joue avec les nerfs du lec­teur comme on a joué avec les siens. L’être humain n’est pas là au meilleur de sa forme. Dif­fi­cile de fendre le marbre de son égoïsme et sa qua­lité de couard.

Mais tout ici se dis­tille en étapes entre Malou et la nar­ra­trice. Il est vrai que l’auteure prend en pos­ses­sion et au sérieux ce terme : “je le déclare neutre, car vous com­pren­drez que je veux être neutre — et sans doute celui qui a le plus peur des mots. Il a peur d’une grande tra­hi­son liée aux mots et s’exprimant en mots.“
Et à ce titre, d’une tra­hi­son à l’autre, le livre bas­cule au moment où l’auteur a choisi de quit­ter sa langue mater­nelle pour écrire une his­toire par­ti­cu­lière de fan­tômes ou de reve­nants, à savoir quelqu’un qui revient sans cesse, sans per­mis­sion, “qui passe dans les rêves, qui t’adresse la parole au milieu d’une jour­née de migraine et de remords”.

D’où cette mise en abyme et ce, jusqu’à connaître le bruit du deuil : “la por­ce­laine qui se brise, quelqu’un qui marche en chaus­sures lourdes sur les éclats”. Tout fonc­tionne en rêve et réa­lité pour fric­tion­ner l’un à l’autre dans une cer­taines pertes de repères jusqu’à néan­moins une fin annon­cée.
Le tout entre réa­lité crue et une sorte de fantasmagorie.

Si bien qu’ici en dépit des pré­bendes du doute que veut dis­til­ler l’auteure, tout avance dans cette his­toire de femmes et leurs cor­rec­tions réci­proques. C’est habi­le­ment monté, un peu comme un film qui se moque d’une cer­taine nar­ra­tion chro­no­lo­gique pour ce qui devient une une chro­nique nar­ra­tive d’une mort annon­cée.
Là où la mala­die de la mort comme celle de lan­gage s’empare de tout. Et c’est comme si ce livre deve­nait du Duras mais à l’envers.

L’auteure écrit dans les inter­stices de ce que la Fran­çaise a laissé vacant. Mais ce que la Fin­noise insère en lieu et place est aussi per­ti­nent que le ciné­ma­to­graphe que la pre­mière a inventé pour dire la mala­die de la mort, celle de la vieillesse et la mala­die elle-même qui hante une telle fic­tion.
Elle avait tout pour être délé­tère mais en devient le par­fait contraire.

jean-paul gavard-perret

Jaana Seppä­nen, Pos­sé­dée pos­sé­dant, Édi­tions Douro, Paris, 2023, 228 p., –19,00 €.

1 Comment

Filed under Romans

One Response to Jaana Seppänen, Possédée possédant

  1. Villeneuve

    Com­plè­te­ment Duras à l’envers . Quel enfer !

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