Jacques Henric, La Nuit folle

Tricards

En 1918, Joë Bous­quet, sol­dat de vingt ans et futur poète, reçoit une balle qui le laisse para­lysé et impuis­sant à vie. Cloî­tré dans sa chambre de Car­cas­sonne, Bous­quet reçoit des jeunes filles pour des ren­contres mys­té­rieuses.
Il se pas­sionne pour la fin’amor ita­lien et le récit des prouesses sexuelles du Grand trou­ba­dour Guillaume IX, duc d’Aquitaine.

Un jour de mai 1932, un éco­lier de sept ans et demi, Jacques Lus­sey­ran, futur Grand héros de la Résis­tance, perd à jamais l’usage de ses yeux. Quant au nar­ra­teur du livre, en 2018, il perd son œil droit qui explose alors qu’il se dirige en voi­ture vers un des lieux où vécut Bousquet.

Ce roman devient un exer­cice d’admiration, pour les hommes “entrés dans la nuit lumi­neuse” comme pour les femmes de la nuit, héroïnes por­teuses de leur propre lumière. C’est aussi une inter­ro­ga­tion sur le mal.
La nuit elle-même peut être ren­due folle par la guerre, le sexe, la drogue et l’auteur est amené à por­ter un nou­veau regard sur le récit de la femme aimée : La Vie sexuelle de Cathe­rine M.

Le constat est violent par­fois presque paroxys­mique. Mais il est bon qu’un tel pro­sa­teur nous rap­pelle à un état de fait et des fon­da­men­taux. Et l’auteur demeure ce qu’il était.  Ce lec­teur de Guy Debord montre désor­mais l’étendue d’une vision même lorsqu’elle se res­treint à tous les sens du terme.

Jacques Hen­ric sait en effet glis­ser la lumière d’abîme sur tout ce qu’il aborde. Cela ren­verse les miè­vre­ries, trans­cende les pon­cifs pour don­ner à la vie de l’auteur comme à son his­toire une autre dimen­sion. La trans­gres­sion de la nar­ra­tion au pro­fit de l’évocation per­met au corps lui-même de deve­nir lan­gage.
Le texte grave ce qui est rare­ment émis par la lit­té­ra­ture : l’apprentissage de la liberté d’être qui passe sou­vent par divers types de “déclas­se­ments” ou d’infirmités.

jean-paul gavard-perret

Jacques Hen­ric, La Nuit folle, Seuil, Paris, 2021, 240 p. — 19,00 €.

1 Comment

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One Response to Jacques Henric, La Nuit folle

  1. Mississipi

    Comme « Brea­king the waves » était une inter­ro­ga­tion sur le bien, et le mal qu’il peut faire

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