Que sait-on, sans mot dire, du silence ? Le langage n’est que son érection relative en dépit de sa mâle assurance. Le silence est féminin car absolu. Présent en toutes choses, il est son dé-lié. Ainsi peut-il se dire absolu.
L’Ange de l’Eveil (messager du silence) accompagne celui qui veille la nuit ( émissaire du Couchant). Car si le langage est à la nature de l’être, le silence appartient à sa trans-nature. Le langage reste à distance : il ne peut évoquer que de loin le silence qui est coïncidence. Mais sans le premier comment faire allusion à l’expérience du second ?
Ne reste qu’à tenter d’exalter la langue du foetus pour qu’elle fructifie le silence. Lui seul est la demeure du sens. L’homme des mots sera toujours celui de la limite. Relié au silence il participe à ce qui est infiniment plus que lui, à savoir son oxygène prénatal. En lui il sait infiniment plus qu’il ne saura ensuite.
Il faut que l’être soit déserté de lui-même pour qu’il se sente habité de ce dont personne d’autre que lui — et encore — ne reste le gardien. L’excès de parole n’est jamais qu’une révolte contre le détachement du silence.
Seule l’image parle le silence et sait ce que l’homme même silencieux ignore. Il est fermé sur lui par les sceaux de l’Aleph dès la source de vie. Habité par son arrière-présence, il maintient ouvert la question de l’identité.
jean-paul gavard-perret
Photo Clara Diebler