La Montagne (Thomas Salvador)

Vendredi ou les limbes de glace

Quel mot choi­sir ? Le regard de Pierre happé par l’aiguille verte du Mont Blanc évoque la néces­sité vitale de s’y rendre. Nul besoin d’exprimer ora­le­ment, d’expliquer, de sou­mettre à l’autre avec des mots ce pro­fond appel.
Pierre semble suivre ce sen­ti­ment évident, tel celui de l’amour qui s’impose à soi.  La néces­sité de chan­ge­ment devient vitale.

Le film de Tho­mas Sal­va­dor aurait pu s’appeler « Le grand blanc ». Attiré par les som­mets, Pierre (inter­prété (?) par son auteur Tho­mas Sal­va­dor) suit son besoin vis­cé­ral, une immer­sion dans le blanc neige et le blanc glace.
Pas à pas, Pierre entame une médi­ta­tion silen­cieuse jusqu’à l’initiatique peau à pierre et plus encore. Pierre reste pré­sent à lui-même dans son authen­ti­cité, tel quel, quitte à ne pas être com­pris par ses proches. Il mue en « Ven­dredi » des limbes de la mer de glace, s’extirpant de la soli­tude bruyante de la ville et du quo­ti­dien agité pour s’immerger dans la soli­tude nour­ri­cière des som­mets, tota­le­ment absorbé par une nature puis­sante et brute, mais bien­veillante en son cœur.

voir la bande-annonce

La pho­to­gra­phie du film per­met au spec­ta­teur de ren­trer en lien, en silence, avec cet homme, face aux mon­tagnes, sur les roches ou à l’intérieur des secrets des failles. L’image semble aussi authen­tique que le désir de Pierre d’exister, enfin relié à la vérité qui s’impose par cette nature puis­sante sou­mise à l’impermanence du temps éprouvé.
Au cœur des entrailles, des failles les images nous embarquent au-delà de nos pos­sibles attentes. Elles rap­pellent par­fois les pho­tos énig­ma­tiques et rayon­nantes d’Eric Petr du noyau ter­restre aux voies célestes.

La soli­tude nour­ris­sante sur les flancs des mon­tagnes fait écho aux voies emprun­tées par Erri de Luca en cette abso­lue néces­sité d’y aller, de se lais­ser por­ter par l’ivresse de l’altitude en toute conscience. Gra­vir les som­mets exige une écoute, voire une sou­mis­sion à la nature trans­for­mée par soi, l’homme.
Gra­vir mène à une forme de gra­ti­tude nous rap­pe­lant à l’essentiel. La musique ori­gi­nale de Chloé Thé­ve­nin vient sou­li­gner avec mesure et force le par­cours ini­tia­tique du héros, res­pec­tant cha­cunes de ses respirations.

Pierre se fond dans la roche des som­mets par tous les pores de sa peau. Mal­mené par les élé­ments, il se re-trouve sur son île du soi par fusion dans la glace. Seule une voix sen­sible lui indique le che­min du retour.
Il en res­sort autre, mais bien décidé à gar­der sage­ment ses dis­tances avec les val­lées four­millantes. Il est (à sa place).

anne lüthi dumont

 

La Mon­tagne

Par Tho­mas Sal­va­dor, Naïla Gui­guet
Avec Tho­mas Sal­va­dor, Louise Bour­goin, Mar­tine Che­val­lier
Genre : Drame, Fan­tas­tique
Durée : 1H52mn
Sor­tie : 1 février 2023 en salle

Synop­sis
Pierre, ingé­nieur pari­sien, se rend dans les Alpes pour son tra­vail. Irré­sis­ti­ble­ment attiré par les mon­tagnes, il s’installe un bivouac en alti­tude et décide de ne plus redes­cendre. Là-haut, il fait la ren­contre de Léa et découvre de mys­té­rieuses lueurs.

Leave a Comment

Filed under cinéma

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>