Exercices de cruauté dans la maison tripier
Entre le réalisme le plus cru et les considérations les plus amples, entre ” Les lamentations d’un lavabo / L’extase d’un escabeau / La sagesse d’une chenille” et des espoirs altiers vus peut-être mieux avec des spots qu’avec la lumière fade des cieux, le canadien Peter Hart poète et performeur mystique en ses moments de creux, dépote tout ce qui ne bouge plus dans les idées reçues.
Fondateur et propagandiste du “Collectif de Contre-déterminisme Magique” — projet d’improvisation bruitiste en ensemble aléatoire-, pour lui tout est bon pour la tripe en un tel livre de mixages, malédictions, miracles, transformations diverses et variées, genèses et transmigrations.
Bref, ça pète à tous les étages. Et depuis le quai du Vieux Port : haro sur les étiages. Et si “L’obscurité n’est jamais / prévue, tellement elle est neutre.” surgit “notre vie sans vision / qui donne envie de se vider dans la vision sans vie”. Ces retournements deviennent moins une manière de l’éviter que de cracher jusque sur la noirceur de la vie intime “pour se venger une fois pour toutes contre la création / trop lisse”.
Et ce, afin de léviter cul par-dessus tête en un “retour de se retourner” autant contre soi que contre tous les vautours amateurs de nature, du clair-obscur et qui pleurent sur leur statut. L’auteur réchauffe ainsi les pistons de nos pneumas, travaille nos traumas pour atteindre le pouls du monde en crise cardiaque.
Le texte reste ainsi de bout en bout un tsunami. Tout prend l’eau de toutes parts même lorsque les éviers sont vides. Ici, plus de paradis mais juste ce qui arrive et qu’un tel livre programme à hue et à dia sans la moindre pitié pour qui nous sommes.
Ce qui reste sont les rêves, mais ils s’évaporent en eux-mêmes. Ce temps est donc le nôtre. Le créateur lui donne une intensité vibrante.
lire notre entretien avec le poète
jean-paul gavard-perret
Peter Hart, Méditer sans maître, Editions Milagro, Cherbourg, mars 2023, 130 p.