Aurore Clément, Une femme sans fin s’enfuit

Quand s’éloigne la nuit

“Tous les livres ont une his­toire. Et la vie d’un livre est tou­jours un roman. Celui que vous tenez entre les mains ne fait pas excep­tion à la règle.”, écrit Aurore Clé­ment pour évo­quer ce superbe ouvrage né d’une ren­contre plus ou moins étrange.
Aux manettes : Peter Wyss, “l’une des per­sonnes les plus secrètes qu’il m’ait été donné de ren­con­trer “, pré­cise l’actrice. Il l’a pho­to­gra­phiée un matin froid d’hiver au moment où elle pleu­rait. Et elle  d’ajouter : “J’habitais ce qui avait été le salon de maquillage de Mis­tin­guett sur la ter­rasse du Mou­lin Rouge. Je savais sans savoir que je me trou­vais au genre de moment cru­cial qu’on recon­naît comme tel long­temps après l’avoir traversé.”

Le pho­to­graphe quelque temps après ce shoo­ting mati­nal et presque impro­visé a remis à Aurore Clé­ment un petit livre noir qui conte­nait ses prises. Elle l’a gardé secrè­te­ment pen­dant des années comme com­pa­gnon de vie, de voyage et par­fois de silence sans pour autant l’ouvrir, dans une belle tor­sion de l’inconscient.
Ayant remis plus tard cet “objet de com­pa­gnie” à Mathieu Terence, un ami de longue date, elle le laissa libre de mettre des mots pour, au besoin, sou­li­gner ce que les pho­tos ne disaient pas en tota­lité. L’auteur devint le porte-voix voire le double de l’actrice pour la dire.

Et ce qui d’abord n’était pas encore tout à fait un livre, en le deve­nant, lui a per­mis de trou­ver une clé : “don­ner le jour à Une femme qui sans fin s’enfuit, et accor­der à cet ins­tant de ma vie où j’ai cessé d’être pour deve­nir, sa des­ti­née véri­table, fatale en un sens.“
Elle y décou­vrit un moyen de tra­ver­ser encore bien des rives et des ponts, au bord de l’aplomb et aux confins de cer­taines chutes là où elle est à la fois hors-champ mais tout autant dedans. Et ce, par un regard d’un homme et la voix d’un autre. Ce qui vaut bien plus que toute autobiographie.

A tra­vers la sur­face lisse des images ‚glisse le visage de l’actrice et, des textes, coule sur sa peau une lumière contre la bru­ta­lité de la vie et ses défla­gra­tions.
Aurore Clé­ment est donc dans ce livre bien plus qu’incise ou inter­ca­lée : elle y est tout entière avec la pudeur requise là où — au-delà du froid d’un jour dit — son pouls se per­çoit juste avant qu’elle se retire à pas lents loin de la len­tille de Wyss — mais, très vite, les mots de Terence reviennent la chercher.

jean-paul gavard-perret

Aurore Clé­ment, Une femme sans fin s’enfuit, Pho­to­gra­phies : Peter Wyss (pho­to­gra­phies) & Mathieu Terence (texte), The M édi­tions, octobre 2022, 84 p. — 130,00 €.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Beaux livres, Chapeau bas, cinéma, Poésie

One Response to Aurore Clément, Une femme sans fin s’enfuit

  1. Villeneuve

    Enfin cadrée Aurore Clé­ment n’est donc plus fugi­tive et reste l’éternelle sub­ti­lité de la beauté mariée en secret à la dis­cré­tion . J’adore .

Répondre à Villeneuve Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>