La littérature est faite pour éprouver autrement l’opacité du monde comme des choses menues et des sentiments qui depuis l’enfance respirent à petites cuillères ou grandes louches. Et qu’importe si les livres vieillissent car nous aussi.
Mais à l’inverse leurs formes ne sont ni prescrites ni prédictibles. Elles surgissent, parfois, comme des chances : à force qu’on expérimente des formules génériques variées (soties, fééries, satires, et la liste reste ouverte), la plasticité des rythmes, les distorsions syntaxiques, le tremblement polyphonique des significations font leur chemin. Non pour faire « beau » : pour retrouver une exactitude (un rapport juste à l’expérience).
C’est alors nous livrer aux impératifs de la littérature. Lire, c’est rythmiquement entendre le monde car il y a quelqu’un de différent de moi mais semblable qui creuse et invente ce qui peut être pris comme déraisonnable et qui ne charme pas toujours a priori. Prenons Bernanos par exemple : il ne connaît pas toute l’histoire mais ce qu’il en raconte cuit dans le cerveau car dans sa prose il incarne les hommes et des idées Il s’irrite des courtisans qui pactisent et s’insurge contre la bêtise mais parce que ses phrases sont des galops au milieu des pentes féroces et des fouillis de branches pour que et si le corps saigne, il ne reste pas aveugle, sourd et mutique.
Ne parlons pas à son sujet — mais c’est aussi vrai pour Kafka, Beckett et bien d’autres créateurs — d’économie de formes ou de composition de la prose que de rapports de forces opposées qui doivent être identifiées, classées dans ce qui devient une partition musicale.
La littérature troue alors notre ombre intérieure jusqu’à ce que se répande sa puissance originelle, convertissant ce qui par nature est “intérieur” en “extérieur”. C’est pour ça que seuls les écrivains fous doivent être lus car ils écrivent complètement.
jean-paul gavard-perret
Photo de Sébastien Anglade
Les écrivains fous écrivent complètement leurs dérives qui , par leurs natures , ne sont pas universelles . Mais écrivez , écrivez mesdames et messieurs …Il en restera toujours quelque chose .
Magnifique ! Alors Je vous lis complétement !