Fin de partie (Samuel Beckett / Jacques Osinski )

Une ode monu­men­tale à l’irrépressible disparition

Quand le rideau s’ouvre, on découvre, dans un décor sobre, presque fra­gile, dressé, ren­fro­gné, Denis Lavant, l’immobilité : le comé­dien impose d’emblée sa struc­ture fine, simiesque, sta­tique, qui rend sen­sible à ses moindres mou­ve­ments. Les dépla­ce­ments de son corps sont lourds, scan­dés, ponc­tués de gestes brusques et inef­fi­caces.
On assiste d’abord à des superbes excla­ma­tions mono­syl­la­biques : mélange d’imprécation, de confir­ma­tion, d’objurgations. Les deux per­son­nages prin­ci­paux semblent cher­cher à ralen­tir le temps ; ne s’attachant à rien, ils ne signi­fient que l’amenuisement.

Pour­tant, ils se plaignent aussi de la len­teur des choses. La pièce appa­raît donc comme une réflexion sur l’inexorable dis­pa­ri­tion, ren­due insup­por­table à elle-même.
On ne cesse de par­ler de la fin, sans par­ve­nir à la convo­quer ; ils semblent vivre dans une malé­dic­tion inaccomplie.

Jacques Osinski fait le choix de rendre la durée sen­sible, de tendre les répliques au moyen du silence. Il s’agit d’une option judi­cieuse, qui laisse entendre tous les aspects du texte, dans sa richesse et son indé­ter­mi­na­tion. Hamm, inter­prété avec brio par Fré­dé­ric Leid­gens, est celui qui s’écoute ; pré­senté comme le maître de ce petit monde, il ponc­tue l’inamissible inac­tion de solen­nels « cela avance ».
Mais plus le pro­pos suit son cours, plus les répliques sont par­se­mées ; elles disent sans cesse la fin impos­sible, la réma­nence d’une visée intime qui n’en finit pas de ne pas advenir.

Une grande mise en scène, ser­vie par deux acteurs au som­met de leur art : une repré­sen­ta­tion accom­plie, riche, édi­fiante, digne d’un monu­ment du réper­toire, propre à en sou­li­gner la valeur, la richesse et les subtilités.

chris­tophe giolito

 

Fin de partie 

de Samuel Beckett

mise en scène Jacques Osinski

© Pierre Grosbois

Avec Denis Lavant, Frédéric Leid­gens, Clau­dine Del­vaux et Peter Bonke

Scénographie Yann Cha­po­tel ; lumières Cathe­rine Verheyde ; cos­tumes Hélène Kri­ti­kos ; pho­to­gra­phies Pierre Grobois.

Texte publié aux Édi­tions de Minuit, 1957.

Au Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dul­lin, 75018 Paris

Billet­te­rie 01 46 06 49 24 billetterie@theatre-atelier.com durée 2h.

À par­tir du 19 jan­vier 2023 au 5 mars ; du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h.

Pro­lon­ga­tions du 9 mars au 16 avril 2023, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h.

Pro­duc­tion Com­pa­gnie l’Aurore Boréale Co-production Châteauvallon-Liberté, scène natio­nale
Théâtre de l’Atelier. Spec­tacle créé avec le sou­tien de la Direc­tion Régio­nale des Affaires Cultu­relles d’Île-de-France et le Minis­tère de la Culture.

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