Rage victorieuse du déchu
Dans une atmosphère sombre, orageuse, quelques éléments de contexte sont rappelés par le prompteur, qui situe l’état des luttes de pouvoir à la cour d’Angleterre. La troupe arrive du fond de la salle, tous les personnages se congratulant dans une attitude festive sur une musique house-fusion.
Ballotté dans ce tourbillon, Richard III parle dans un micro suspendu à une perche souple, qui se balance au milieu du plateau. Progressivement, par son allure difforme et ses objurgations répétées, il fait monter la tension. Le public est ainsi mis dans la confidence de Richard, qui ourdit les pires méfaits, faisant part de ses complots.
Tout en supportant les invectives de la cour, dans une tentative désespérée de séduction, il s’offre à Lady Anne, dont il a tué le père et le mari. Il parvient à conquérir son estime, ce qui lui donne des ailes.
Avant de mourir, le roi Edouard IV scelle l’alliance et l’amitié des pairs du royaume qui sont ses courtisans obligés. Mais Richard continue ses manœuvres morbides, continuant de décimer la cour de tous les prétendants au trône.
La mise en scène, dynamique, est scandée de moments de musique trash, qui alternent et contrastent avec des dialogues parfois longs, diatribes réciproques entre les protagonistes du drame qui s’invectivent.
Lars Eidinger se permet tout, surjouant la plupart des scènes et s’associant un public complice. Le couronnement est mémorable : armé d’un corset et d’une minerve, il est célébré bancal.
La vidéo est bien utilisée pour filmer Richard en gros plan, par exemple en proie à ses tourments nocturnes, hanté par les spectres de ses victimes.
Une version consacrée de l’œuvre de Shakespeare, qui mérite son succès et qu’on voit avec le plus grand plaisir.
christophe giolito
Richard III
de Shakespeare
Mise en scène Thomas Ostermeier
© Arno Declair
Avec Lars Eidinger, Moritz Gottwald, Carolin Haupt, Jenny König, Sebastian Schwarz, Robert Beyer, Thomas Balding, Christoph Gawenda, Thomas White.
Traduction Marius von Mayenburg ; dramaturgie Florian Borchmeyer ; création vidéo Sébastien Dupouey ; musique Nils Ostendorf ; scénographie Jan Pappelbaum ; assistant(e) costumes Ralf Tristan Scezsny; création lumières Erich Schneider ; création costumes Florence Von Gerkan ; chorégraphie combats René Lay.
Au théâtre Les Gémeaux à Sceaux, 49, Avenue Georges Clemenceau 92330 Sceaux, du 12 au 22 janvier 2023, à 20h, le mardi à 20h45 le dimanche à 17h. Spectacle en allemand surtitré en français, créé au festival d’Avignon le 6 juillet 2015.