Hernani (Victor Hugo/Robert Hossein), Le Triomphe de l’amour (Marivaux/Yves Gasc), La Volupté de l’honneur (Pirandello/François Chaumette)

Pour les amou­reux de la « mai­son de Molière », ceux qui aime­ront se rap­pe­ler une mise en scène pré­cise, ou retrou­ver  de grands acteurs. Ou bien pour com­pa­rer avec des mises en scène actuelles, y com­pris de la Comédie-Française

Hugo, Her­nani, mise en scène de Robert Hos­sein, 1975.
On connaît la pièce qui fit scan­dale en 1830, et qui est à l’origine d’une belle légende de notre lit­té­ra­ture, sou­vent défor­mée. Tout y est ren­versé : les uni­tés d’action, de lieu, de temps. Le carac­tère des per­son­nages scan­da­lise, car le « héros » est un ban­dit, alors que le roi est indigne. La mise en scène de Robert Hos­sein fait souf­fler l’épopée au sein de cette pièce ; Fran­çois Beau­lieu est un Her­nani qui aime, défie et pro­teste avec toute la véhé­mence roman­tique. Gene­viève Casile est une Doña Sol tout à tour forte et frêle ; Nico­las Sil­berg réa­lise, lui, un vrai tour de force à l’acte IV dans le mono­logue devant le tom­beau de Char­le­magne. L’émotion est ici sans cesse à son comble.


Mari­vaux, Le Triomphe de l’amour, mise en scène de Yves Gasc, 1978.

Mari­vaux fait par­tie des cinq auteurs les plus joués à la Comédie-Française. Ce n’est pour­tant que dans cette mise en scène de Yves Gasc que la pièce a fait son entrée au réper­toire, le 13 mai 1978, alors qu’elle avait été jouée aux Ita­liens en 1732 pour la pre­mière fois.
Yves Gasc, frais émoulu du TNP, arrive ici à jon­gler entre le res­pect du style et le natu­rel du jeu. Domi­nique Delouche a fait des cos­tumes et un décor qui frappent par leur beauté. La dis­tri­bu­tion est d’une homo­gé­néité incon­tes­table : Gérard Girou­don, en rou­blard Arle­quin, et Yves Pignot, en fidèle confi­dent, abordent avec humour leur per­son­nage. Fanny Del­brice sait trou­ver les accents auto­ri­taires et tendres d’une prin­cesse spar­tiate, Ray­mond Acqua­viva est un Agis sen­sible, très dix-huitième siècle. Yvonne Gau­deau et Michel Aumont campent, dans toute leur rigueur, des esprits phi­lo­sophes du XVIIIe siècle, mais un peu ridi­cules. Si Vol­taire accu­sait Mari­vaux de « peser des œufs de mouche avec des balances de toiles d’araignée », on peut consi­dé­rer que voici la réponse du dra­ma­turge au phi­lo­sophe : les aus­tères sages reçoivent l’amour en pénitence…

Piran­dello, La Volupté de l’honneur, mise en scène de Fran­çois Chau­mette, 1968.
« Mes­sieurs, je vous assure que mon théâtre, je ne l’ai pas fait exprès » cla­mait Piran­dello à la fin de sa vie. Faut-il le croire ? Si non e vero, e bene tro­vato. Avec Brecht, il est l’autre figure dra­ma­tur­gique émer­gente de la pre­mière moi­tié du XXe siècle au niveau inter­na­tio­nal. C’est Mau­rice Escande, admi­nis­tra­teur, qui avait voulu, dans les années soixante, faire entrer des auteurs tels que Piran­dello, Ionesco ou Audi­berti au réper­toire. Cette mise en scène de Fr. Chau­mette était des­ti­née à fêter le cen­te­naire de la nais­sance de Piran­dello.
Rap­pe­lons d’abord l’intrigue : le mar­quis Colli a mis sa maî­tresse Agathe enceinte. Mais il refuse de divor­cer pour l’épouser et répa­rer ainsi l’honneur. Agathe s’arrange donc avec un jeune homme : peu importe la morale, tant que les appa­rences sont sauves…

Aucun mou­ve­ment n’apparaît super­flu dans ce tra­vail rigou­reux et réa­liste de direc­tion d’acteurs. Une par­tie d’échecs semble se jouer entre tous les acteurs dont le jeu rend la ten­sion conti­nue de l’œuvre. Fran­çois Chau­mette sait expri­mer avec intel­li­gence toutes les facettes de ce per­son­nage para­doxal. Mys­té­rieux et ras­su­rant, tour­menté et confiant, il n’interprète pas Bal­do­vino, un per­son­nage d’une pro­fonde com­plexité, mais le dis­sèque, sous nos yeux. Gene­viève Camile donne à voir l’honnêteté rigou­reuse d’Agathe avec exac­ti­tude, Jacques Toja le désar­roi d’un homme dépassé par la situa­tion, Denise Noël incarne le rôle de la reine mère avec grande dignité, Michel Etche­verry excelle dans celui de l’entremetteur.

Rap­pe­lons que, paral­lè­le­ment à la réédi­tion de grands clas­siques que l’on trouve ici, la Comédie-Française, même si c’est à une échelle bien petite vu l’intérêt de nom­breuses mises en scène actuelles, édite aussi des pièces à suc­cès de son réper­toire actuel (Cyrano, Un fil à la patte, Un cha­peau de paille d’Italie…).

yann-loïc andre

- Vic­tor Hugo, Her­nani, mise en scène de Robert Hos­sein, 1975.
- Mari­vaux, Le Triomphe de l’amour, mise en scène de Yves Gasc, 1978.
- Piran­dello, La Volupté de l’honneur, mise en scène de Fran­çois Chau­mette, 1968.

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août 2013
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