Le Roi Lear (William Shakespeare / Thomas Ostermeier)

Un souffle sans rythme

Dans un décor de chiches élé­ments natu­rels assé­chés, les scènes se déroulent sobre­ment, annon­cées et accom­pa­gnées par la musique ; certes les figures de néons lumi­neux viennent solen­ni­ser un peu le pla­teau ; mais il est clair que l’intention est de pré­sen­ter les affres de la suc­ces­sion, l’appropriation ou la conquête du pou­voir comme des trac­ta­tions cou­rantes, objets de dis­cus­sions quo­ti­diennes.
On connaît l’argument : le roi lègue son royaume à ses deux filles capables de flat­te­rie, déshé­ri­tant celle qui exprime avec hon­nê­teté ses sen­ti­ments ; en paral­lèle, on assiste à une ten­ta­tive de subor­na­tion du fils légi­time par le bâtard (de Glou­ces­ter), s’essayant à séduire les deux reines héri­tières. Les évé­ne­ments se suc­cèdent qui vont déchoir le roi de son auto­rité, de sa majesté, de sa lucidité.

Lorsqu’il affronte la nuit, la soli­tude et la vieillesse, le sou­ve­rain est confronté à ses cau­che­mars, des méta­mor­phoses démo­niaques qui le hantent et le ter­rassent. Il y a donc du fan­tas­tique, du réa­lisme, du comique, l’ensemble estom­pant fina­le­ment le tra­gique, dans cette mise en scène qui a ses qua­li­tés, mais qui semble se cher­cher, tant elle ouvre de voies qu’elle ne déve­loppe pas jusqu’à leur terme, comme si elle jux­ta­po­sait les lec­tures au lieu de les hié­rar­chi­ser.
Les comé­diens sont justes, sans être ajus­tés, man­quant de l’harmonie qui donne du souffle à un spec­tacle. Les ten­ta­tives d’actualisation du pro­pos et l’introduction de traits d’ironie sont inté­res­santes et bien sen­ties, la musi­ca­lité est trou­blante, mais la repré­sen­ta­tion ne trouve pas son rythme. Elle appa­raît comme une recherche inin­ter­rom­pue qui ne par­vient pas à cap­ti­ver parce qu’elle sou­met les spec­ta­teurs à des varia­tions trop impromptues.

chris­tophe giolito 

 

 Le Roi Lear

d’après William Sha­kes­peare
Mise en scène Tho­mas Ostermeier

© Pas­cal Gely

Avec Éric Géno­vèse, Denis Poda­ly­dès, Sté­phane Varu­penne, Chris­tophe Mon­te­nez, Jen­ni­fer Decker, Noam Mor­gensz­tern, Julien Fri­son en alter­nance avec Gaël Kami­lindi, Marina Hands, Claïna Cla­va­ron, Séphora Pondi, Nico­las Chu­pin, et les trom­pet­tistes Noé Nillni, Henri Delé­ger en alter­nance avec Arthur Escriva.

Adap­ta­tion Tho­mas Oster­meier, Elisa Leroy ; tra­duc­tion Oli­vier Cadiot ; dra­ma­tur­gie et assis­ta­nat à la mise en scène Elisa Leroy ; scé­no­gra­phie et cos­tumes Nina Wet­zel ; lumière Marie-Christine Soma ; vidéo Sébas­tien Dupouey; musiques ori­gi­nales Nils Osten­dorf ; réglage des com­bats Jérôme Wes­tholm ; assis­ta­nat à la scé­no­gra­phie Zoé Pau­tet ; assis­ta­nat aux cos­tumes Mag­da­léna Calloc’h.

A la Comédie-Française, Salle Riche­lieu, 99 Rue de Rivoli Place de la Pyra­mide Inver­sée, 75001 Paris
du 30 sep­tembre 2022 au 26 février 2023. Durée : 2h45.

Et dans les ciné­mas Pathé, en direct le 9 février et en redif­fu­sion à par­tir du 26 février.

Le Roi Lear, tra­duit de l’anglais par Oli­vier Cadiot, est publié aux édi­tions P.O.L, col­lec­tion « Fic­tion », 2022.

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