L’arbre de tous les mystères
Le château du premier roman de Jules Prazantès n’a rien à voir avec celui de Kafka, pas plus qu’avec celui de la mère de Pagnol. Certes, comme ces deux auteurs, l’auteur sait lorsqu’il le faut utiliser l’humour non sans parcimonie et pas seulement pour bien se faire voir, “au cas où nous manquerions d’admirations” (écrit le locuteur) car il a bien mieux à faire.
D’autant que ce château non seulement fut brûlé mais “n’était pas ce monde”.
Il n’aura exister que là où la fiction fonce vers le fantastique et même si l’arbre aura eu raison de lui. C’est comme si le premier devenait la maison de l’être en buttant autant sur la célébration des fatalités que des merveilles.
A partir de là existent bien des chevauchées dans l’imaginaire débridé.
L’auteur se fait autant primesautier que sérieux dans cette fiction, moins de chevalerie que de mots. Ceux-ci rappellent que Prazantès fut et demeure poète inspiré. Des lèvres et de l’arbre et à leur ombre jaillit ainsi une bénédiction. Celle de la nature.
Elle garde toujours le droit de cité, entre saxifrage et la chênaie “où les druides parlaient avec le gui”.
Dans ce texte à goût de conte où le lyrisme pointe son museau mais juste ce qu’il faut, l’arbre devient le collecteur de tous les mystères de la végétation, des oiseaux et des êtres humains qui l’entourent. Il reste ainsi le maître des lieux et du monde voire des rêves.
Nul castel peut en venir à bout car seul l’arbre perdure là où les pierres de souche finissent au mieux en petits prétextes aux jeux pour enfants, sages ou non.
jean-paul gavard-perret
Jules Prazantès, Bel Arbre, si tu ne t’étais pas penché, Librairie-Galerie Racine, Paris, 2023, 120 p. — 15,00 €.