Bruno Cortequisse, Les dauphines de France au temps des Bourbons, 1661–1851

Les mécon­nues de Versailles

C’est un livre ori­gi­nal que celui de Bruno Cor­te­quisse puisqu’il porte sur les dau­phines de France au temps des Bour­bons. Ori­gi­nal car il se penche sur la vie des dau­phines n’ayant pas régné (d’où l’absence de Marie-Antoinette) et qui, de facto, sont res­tées incon­nues.

E
n effet, si le sou­ve­nir de la duchesse de Bour­gogne, Marie-Adélaïde de Savoie, ne s’est pas effacé de la mémoire de Ver­sailles, et encore moins celui de Mme Royale, l’orpheline du Temple, qui se sou­vient  de Marie-Anne de Bavière, épouse du Grand Dau­phin, de Marie-Thérèse Raphaëlle de Savoie, éphé­mère épouse du dau­phin Louis, père de Louis XVI, et de Marie-Josèphe de Saxe ?
Peu de per­sonnes en vérité. Leur mort pré­ma­tu­rée, avant l’accession au trône de leur époux, les a plon­gées dans l’ombre opaque de l’oubli. C’est donc tout le mérite de ce livre, extrê­me­ment plai­sant à lire, que de les rame­ner à la lumière.

On retient tout d’abord les enjeux diplo­ma­tiques majeurs qui font ces mariages, par­fois déci­dés au plus bas âge. Choi­sies pour conso­li­der une alliance, ces jeunes femmes quittent pour tou­jours leur pays d’adoption. Elles entrent alors dans un pro­ces­sus extrê­me­ment codi­fié, qui se répète à tra­vers les décen­nies, struc­turé par un pro­to­cole aussi sub­til que rigide.
La future épouse découvre ensuite le dau­phin qui fera d’elle une reine de France. Pas d’amour, même si cer­tains de ces couples ont pu tis­ser des liens d’affection très fort, comme le dau­phin Louis-Ferdinand avec sa jeune prin­cesse de Savoie dont la mort l’a fait souf­frir avec sin­cé­rité. Et une exi­gence scru­tée à la loupe : la consom­ma­tion rapide du mariage qui rend le mariage indis­so­luble et assure la fonc­tion pre­mière de ces femmes, assu­rer la des­cen­dance des Bourbons.

Cela étant, ce qui res­sort le plus net­te­ment du livre, c’est cette sorte de lan­gueur et de tris­tesse qui imprègne leur vie à la cour de Ver­sailles. Exi­gences pro­to­co­laires trop éle­vées, timi­dité trop forte, regrets trop lourds à por­ter, incom­pa­ti­bi­lité trop pro­fonde avec son époux se cumulent pour empê­cher un épa­nouis­se­ment per­son­nel mais aussi poli­tique de ces reines en attente.
Sans par­ler de Mme Royale, enfer­mée toute sa vie dans sa pri­son du Temple qui fut le tom­beau de sa famille, mais qui trouva chez le duc d’Angoulême un apai­se­ment réel, ces dau­phines subirent leur sort avec dignité, rési­gna­tion et une mélan­co­lie qui les rendent attachantes.

Sans nul doute, la pétillante duchesse de Bour­gogne, qui n’échappa pas à la mala­die de lan­gueur des dau­phines de la Mai­son de Bour­bon, a-t-elle très bien résumé la fatuité de ces vies empor­tées avant même d’atteindre leur but : “Hier prin­cesse ; aujourd’hui rien ; dans deux jours oubliée.“
Et ce fut le cas. D’où l’utilité de ce livre.

fre­de­ric le moal

Bruno Cor­te­quisse, Les dau­phines de France au temps des Bour­bons, 1661–1851, Per­rin, jan­vier 2023, 397 p. — 24,00 €.

 

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