Avec ces quatre amies qui décident de traquer un délinquant dans un quartier défavorisé de Séoul, l’auteur propose un roman féministe, résolument ancré dans la partie populaire de la société coréenne.
Dans la vieille cité de Gwangseon, un quartier déshérité de Séoul, quatre femmes se retrouvent à la supérette pour coudre des yeux à des ours en peluche et surtout pour papoter. Autour de Jeon Jihyeon, la gérante, se trouvent Gong Miri qui rêve d’être enquêtrice, Chu Gyeonagja, mère d’une collégienne en pleine crise d’adolescence, et Park Sohui la plus jeune, mère d’un petit garçon.
Miri suit une thérapie auprès du docteur Park Dojin dans sa clinique neuropsychiatrique. Elle lui avoue vouloir tuer son époux car, à ses yeux, il est devenu inutile. Après sa séance elle retrouve le groupe. Elles voient arriver Roh Jisuk, la petite nouvelle. Celle-ci et blessée, battue par son ivrogne de mari, surnommé Chien Enragé.
Pendant que la jeune femme est emmenée à l’hôpital, Miri évoque la prime offerte pour l’arrestation d’un exhibitionniste surnommé Boules de Mulot. Il sévit dans la résidence et échappe à la police depuis plusieurs mois. Avec cet argent, elles pourront aider au divorce de Jisuk et se partager ce qui reste.
Miri, alors, entraîne ses amies dans cette traque, pensant qu’elles peuvent aboutir. En effet, les victimes se confieront plus volontiers à des femmes qu’à des policiers.
Mais cette enquête n’est pas dénuée de dangers car, entretemps, un serial-killer s’en prend aux femmes, laissant près de leur cadavre un smiley…
Ces quatre héroïnes, de conditions sociales et d’âge différents autorisent un panorama de cette société qu’on ne voit pas dans les médias. La meneuse du groupe, Miri, qui dévore des romans policiers, est mariée depuis huit ans à un individu qui la délaisse au profit du foot, non pas en tant que joueur mais en tant que spectateur scotchée devant son poste.
Elle se plaint de ne plus voir son sexe depuis longtemps sauf une fois dans l’entrebâillement de son sous-vêtement. Elle trouve l’occasion de mettre en pratique toutes les procédures d’enquêtes qu’elle a pu lire.
Avec le quotidien de ces quatre dames, l’auteur décrit la vie des principaux acteurs d’une cité, l’existence de ces femmes sur lesquelles pèse une chape induite par une société machiste.
Cependant, Jeon Gunwoo place beaucoup d’humour dans son récit comme, par exemple, lorsque Miri décide qu’une équipe d’enquêtrices doit avoir un uniforme. Après nombre de recherches infructueuses, elles se décident pour des trench-coats, des foulards et de lunettes de soleil. Mais, à Séoul, fin mai, il fait chaud…
Avec Les 4 enquêtrices de la supérette Gwangseon, le romancier propose une intrigue solide, magnifiquement orchestrée jusqu’à un final peu prévisible et étonnant.
serge perraud
Jeon Gunwoo, Les 4 enquêtrices de la supérette Gwangseon (Salon de Holmes), traduit du coréen par Kyungran Choi et Bessora, Folio policier n°976, janvier 2023, 320 p. — 8,70 €.