La révélation du plus grand secret d’Hollywood…
Depuis des siècles, au paradis, Arkel et Solenne vivent leur grand amour. Mais Dieu décide de les renvoyer sur Terre pour une nouvelle vie où ils se rencontreront sans se reconnaître, ni être amants. Billy Bob travaille à la ferme familiale. Le soir, en secret, il écrit. Seules trois vieilles dames sont au courant, ainsi que le patron du journal local qui le publie en feuilleton anonyme. Billy, fils de bouseux et bigleux, est méprisé par tous. Il rêve d’Hollywood où il est certain que son roman trouvera le succès. Son père lui donne deux cents dollars sur la somme destinée à la banque pour payer l’annuité. Si dans un mois, Billy n’est pas revenu avec la somme, la ferme ira à la banque. En chemin, il croise la route de Scarlett, une danseuse de saloon, qui tente de survivre vaille que vaille. Elle fait route avec lui vers Hollywood et lui vole tout son argent. Sur place, Billy voit son manuscrit refusé partout. Il retrouve Scarlett qui, une fois encore, le roule dans la farine. Une journaliste assiste au procès qui oppose une jeune femme abusée à Errol Flynn. Elle trouve que la défense de ce dernier semble orchestrée comme un rôle… qu’il joue à la perfection. Et puis, la chance sourit enfin à Billy, son destin semble basculer… mais pas du tout comme il le pense.
Avec ce récit, Jérôme Félix expose la fascination qu’a exercé, et qu’exerce encore, Hollywood, cette usine de rêves en carton-pâte, ce lieu où tout est beau où tout semble fastueux, féérique. Cet endroit mythique où n’importe quel(le) inconnu(e) peut, du jour au lendemain, accéder à la gloire, mener une vie de nabab, remplie de fêtes continuelles, de joies perpétuelles. Mais l’auteur s’attache à montrer l’envers du décor, la réalité sordide, les pièges qui attendent les candidats à la gloire, les fausses vies de ces étoiles façonnées pour faire fantasmer les foules mais qui ne mènent pas une vie de rêves.
Les jeunes femmes doivent passer par mille turpitudes dans un lieu où elles ne sont pas mieux considérées que du bétail, les animaux des studios ayant droit à de meilleurs traitements. Pour espérer un hypothétique rôle, il leur faut se prostituer, coucher, par exemple, avec le portier, avec l’éclairagiste qui les mettra en valeur lors d’un essai.
Avec un titre merveilleusement ambigu, il place son récit dans une Amérique qui se débat dans la crise des années 1930 et s’appuie sur des faits authentiques qu’il fond dans son intrigue. Le déroulement du procès d’Errol Flynn est tout à fait exact. Mais son propos est tristement actuel. Si la puissance des studios d’Hollywood a bien diminué, les mêmes rituels, les mêmes contraintes, les mêmes espoirs fallacieux existent actuellement avec les émissions de télé-réalité.
Ingrid Gauthier-Liman réalise un graphisme d’une grande beauté. Outre les personnages féminins qu’elle dessine merveilleusement, elle sait mener une mise en page avec maestria et offrir des décors relevant de la réalité comme des enfilades de hangars de tournage et des objets du rêve américain tels que les voitures, les villas… Ses couleurs pastel, d’une grande douceur, renforcent le climat chimérique mais contrastent avec la violence psychique du scénario.
Un album remarquable qui a eu du mal à être édité, mais qui mérite bien la belle publication qui en est faite pour son scénario, toujours innovant sous la plume de Jérôme Félix, et pour son superbe graphisme.
serge perraud
Jérôme Félix (scénario), Ingrid Gauthier-Liman (dessins et couleurs), Une vie à écrire, Bamboo, coll. “Grand Angle”, mai 2013, 102 p. – 18,90 €.