Cyril Huot a trouvé une forme idéale — celle de la lettre ou de l’adresse pour permettre de découvrir toutes les arcanes de la vie et l’oeuvre de Pasolini– et ce, en plus, en tout un habile jeu de “repons”.
L’essayiste y souligne entre autres une conscience de la solitude chez un tel créateur de génie qui remit en cause bien des données fondamentales dans sa “movida” à l’italienne.
Se retrouve au long de ce livre celui qui, fraternisant avec les exclus, fracture les formes plastiques (cinéma) et littéraires pour marcher contre les idées reçues. L’auteur nous ramène vers celles et ceux qui accompagnèrent l’artiste et les lieux où il se sentit vivant. Et dans ce dialogue implicite se découvre chez P.P. Pasolini la séparation de l’être intérieur et de l’apparence que le miroir de Huot incarne et creuse.
En effet, pour Pasolini le réel ne coïncide jamais avec la réalité de l’image que l’âge aggrave : l’âme peut rester pure au fur et à mesure que le corps se corrompt. Pasolini le sait et en souffre.
Très tôt, il traque déjà les signes de la mort (qu’il a connue à travers celle de son frère). Si bien que ce livre hommage devient comme le bas-côté de la vie à la fois sombre et ensoleillée. Tout semble ici surgir du silence. Celui de la campagne qui poussait déjà à une solitude mortelle et omniprésente.
L’espace est donc à la fois ouvert et fermé. L’ensemble est parfait. Car il s’agit pour Huot de faire face à ce vaste désert et “cette lumière hors de moi” de Pasolini où, en dépit du réel, l’enfant rêvait encore et que l’homme affirmait en son “je suis vivant.”
jean-paul gavard-perret
Cyril Huot, Caro Pasolini (Lettres à une brute), Tinbad, Paris, 2023, 192 p.- 22,00 €.