Une force qui va : entretien avec Carole Clotis (Frois­sures)

Dans une écri­ture sin­gu­lière, Carole Clo­tis mêle une aven­ture spi­ri­tuelle de haut vol à qui ne fait abs­trac­tion ni de l’autre ni du réel. La vision n’a rien de légère devant ce que la nature humaine ne cesse de détruire.
Pour autant, l’auteure ne cultive pas la déré­lic­tion. Existe une révolte impli­cite face à ce qui tue et que met à nu une poé­sie de la pré­sence où il s’agit de sor­tir des ombres inté­rieures et exté­rieures par tris et ran­ge­ments afin d’éliminer les sophismes. Et ce, au cou­rant d’un fleuve de la vie et la pres­sion de ses rives.

Carole Clo­tis, Frois­sures, ENd éditions

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de voir la lumière d’un jour renou­velé, ma fille si je traîne un peu ou bien l’un de mes chats qui s’impatiente.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je tra­vaille encore à les accomplir !

A quoi avez-vous renoncé ?
Je n’ai renoncé à rien.

D’où venez-vous ?
Des lieux de mon enfance, de ceux de mes aïeux et de mes villes de cœur.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Il me semble avoir reçu la dou­ceur, la force et le rire sobre ou écla­tant de mes grands-mères réunies.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Pro­gram­mer le café pour qu’il m’attende fumant à mon réveil, puis mettre une cuillère de miel dedans.

Com­ment est né ce pre­mier — et impor­tant — livre ?
Ce livre est né de ren­contres : avec mon édi­trice il y a douze ans, avec une artiste plas­ti­cienne franco-syrienne, de gens aimés, de regards croi­sés, de pro­me­nades, d’observation, de temps de rien, de pen­sées médi­ta­tives, de chaque jour vécu où tout est inspiration.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Les montres molles de Dali, peut-être.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Je me sou­viens du plai­sir et des émo­tions vives res­sen­ties, jeune ado­les­cente, à la lec­ture de “Pêcheur d’Islande” de Pierre Loti.

Quelles musiques écoutez-vous ?
J’aime le jazz, la musique du monde (et notam­ment le fla­menco, le klez­mer, les musiques de l’Est), la chan­son fran­çaise mais pas tout, l’opéra, le classique.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis rare­ment les livres. Si je le fais, il s’agit plu­tôt de poèmes épars. Le recueil “Alcools” de Guillaume Apol­li­naire fait par­tie des livres où j’aime me replon­ger. En ce moment, j’ai très envie de relire “Dans ce jar­din qu’on aimait” et “Prin­cesse Vieille Reine” de Pas­cal Quignard.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Mort à Venise” de Luchino Vis­conti, assu­ré­ment. Pour l’ambiance cré­pus­cu­laire et sépul­crale et bien sûr l’adagietto de la sym­pho­nie n°5 de Mahler.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Ah ! Je vois une femme dont le visage change et dont les plis sont la marque d’une cer­taine force acquise et gagnée sur sa trop grande sensibilité.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Jean-Pierre Siméon. Mais c’est fait !

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Césa­rée, pour le vers de Racine, dans Béré­nice, pour les sono­ri­tés aussi.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Mar­gue­rite Duras, Andrée Ché­did, Chris­tian Bobin et beau­coup d’autres. Je vibre aussi avec La Cal­las, Lhasa de Sela, Avi­shai Cohen et dans l’univers de Dali. J’en oublie évi­dem­ment et puis cela dépend des périodes.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un paon blanc ! Mais j’accepterais aussi un bleu.

Que défendez-vous ?
Ne me sen­tant pas enga­gée, je dirais que je ne défends rien. Mais j’essaie de por­ter en moi des valeurs comme l’intégrité, l’authenticité, la bienveillance.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
RIen. Ou seule­ment : c’est mar­cher sur un fil au-dessus de nos infinis.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Elle me fait sou­rire, j’aime cette forme d’humour.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
A quelle heure allez-vous pro­gram­mer le café demain matin ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 10 février 2023.

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