La mort de Staline constitue un évènement fondamental dans l’histoire de l’URSS mais aussi de la Guerre froide, comme le démontre Joshua Rubenstein dans ce livre très intéressant.
Pour l’URSS car elle exprime tout d’abord la peur viscérale que le tyran inspirait sur toute personne de son entourage proche puisque personne n’osa entrer dans sa chambre, par crainte de le déranger, le laissant ainsi agoniser par terre, couvert de sa propre urine.
Elle met ensuite fin à la dynamique éliminationniste dont auraient été victimes plusieurs dirigeants soviétiques mais aussi et surtout la purge à caractère antisémite tombant sur les juifs soviétiques.
C’est là un apport important de ce livre : le totalitarisme marxiste n’ a pas échappé à la haine des Juifs qui n’est pas réservée à ses rivaux/jumeaux nazis et fascistes.
Enfin, la disparition de Staline met un coup d’arrêt au totalitarisme de haute intensité, sanglant et terroriste que le Géorgien, en bon héritier de Lénine, dirigeait d’une main de fer. Cela étant, Rubenstein montre bien les limites de cette première déstalinisation en réalité fort limitée.
Pour le monde car l’évènement toucha le monde entier, communiste ou non, et provoqua dans le groupe dirigeant des Etats-Unis, une profonde interrogation. Rubenstein décrit en détails les divergences entre responsables américains, le processus de décision en cours, les hésitations d’Eisenhower, la détermination de Fuster Dulles.
Chez ces deux derniers, l’anticommunisme l’emporte sur la possibilité de saisir la main tendue par Moscou. Une occasion perdue ? Rubenstein le pense, sans doute avec excès, tant la logique totalitaire et idéologique restait prégnante du coté soviétique. La preuve ? La réaction violente du pouvoir rouge face aux désordres suscités par sa propre “libéralisation” au lendemain de la mort de Staline, fort bien décrite et analysée par l’auteur.
Le livre s’achève sur l’arrestation et l’exécution de Beria, “mon Himmler” comme le surnommait Staline, personnage fort complexe, qui occupe une place centrale dans toute cette histoire.
Le dernier des dirigeants de l’URSS a payé de sa vie, après un procès indigne, sa mise à l’écart politique, mais aussi, rappelons-le, ses crimes si terribles.
Il est des morts libératrices.
frederic le moal
Joshua Rubenstein, Les derniers jours de Staline, Perrin, janvier 2023, 364 p.- 23,50 €.