Jafar Panahi, Aucun Ours

Liberté et Fron­tières, est-ce encore possible ?

L’homme a sans doute été le pre­mier être sur cette Terre à créer sa propre cage. Pour­quoi ? Mais à qui appartient-donc cette Terre? La fron­tière, un gage de sécu­rité ? Elle ras­sure, elle dis­tri­bue des espaces plus ou moins grands, plus ou moins riches.
Entre quatre murs, se sen­tir pro­tégé le long d’un espace déli­mité ?  Pro­tégé de quoi ? Des bêtes sau­vages ou des autres hommes, leurs voi­sins frontaliers ?

Quad becke­tien en plu­sieurs espaces. Le lan­gage de la qua­dra­ture sans mot mais en mesures au rythme des inter­dits bri­dants l’existence. Pas après pas, tels des bat­te­ments de coeur pal­pi­tants de ten­sion à la lisière de la fron­tière entre l’Iran et la Tur­quie, le réa­li­sa­teur Jafar Panahi, libéré des geôles ira­niennes le  4 février 2023, tente d’éclairer le monde sur le poids de l’histoire collé au pré­sent sous ten­sions poli­tiques permanentes.

“Ou est la fron­tière?” — “sous tes pieds” Jafar Panahi recule aus­si­tôt. Mais de quelle fron­tière parle-t-on ? Au som­met d’une col­line, une fron­tière invi­sible s’étire entre les cailloux et la pous­sière de deux états. Que signifie-t-elle ?
Invi­sible mais si pré­sente, elle en devient le per­son­nage prin­ci­pal du film incroyable de J. Panahi. Le réa­li­sa­teur nous plonge dans plu­sieurs espaces-temps. Le pré­sent se mêle aux tra­di­tions ances­trales. La dureté du régime et la menace per­ma­nente revient à chaque échange. « L’ours guette ».

Film dra­ma­tique certes mais si riche d’histoire et d’histoires, entre passé et pré­sent. Les vil­la­geois suivent les tra­di­tions mais se confrontent aux chan­ge­ments d’époque. Ou se trouve la fron­tière à ne pas fran­chir, entre la tra­di­tion et la vie d’aujourd’hui ?
Quel prix à payer pour res­pec­ter les tra­di­tions, main­te­nir les liens forts entre les vil­la­geois et sur­vivre sous un régime de res­tric­tions et de contrôles ? Le prix de sa vie ? 

Le film nous fait accé­der à l’abîme sous nos pieds telle une fron­tière, un pas­sage ou une tra­ver­sée. L’abîme tel un pont entre le réa­li­sa­teur qui filme à dis­tance par mesure de sécu­rité et les his­toires d’amour impos­sibles mises en scène ou réelles dues au régimes coer­ci­tifs ou aux tra­di­tions.
Sous nos pieds, la fron­tière entre le monde des vivants qui agissent coûte que coûte, au prix de leur vie et le monde des vivants déjà morts, étouf­fés sous les contraintes.

Le réa­li­sa­teur a choisi la liberté de déci­der de ce qu’il advient. J. Panahi en a déjà payé le prix fort, enfermé sept mois dans les pri­sons ira­niennes.
Cour­rez voir Aucun Ours, offrez-lui votre liberté d’aller écou­ter, voir et entendre. S’engager pour l’ouverture des lignes sur cette Terre qui n’a rien demandé.

anne lüthi dumont

Aucun Ours
De : Jafar Panahi
Avec : Jafar Panahi, Naser Hashemi, Vah
id Moba­sheri

Genre : Drame
Durée : 1h 47min
Sor­tie : 23 novembre 2022 en salle

Synop­sis
Dans un vil­lage ira­nien proche de la fron­tière, un met­teur en scène est témoin d’une his­toire d’amour tan­dis qu’il en filme une autre. La tra­di­tion et la poli­tique auront-elles rai­son des deux ?

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